« Distribuer des bouchons d’oreilles ou des préservatifs, ça ne veut pas dire qu’il faut couper le son des concerts ou demander l’abstinence à tout le monde… Eh bien quand nous proposons à des jeunes ou des adultes en possession de stupéfiants d’analyser leurs produits, c’est toujours avec ce même objectif de prévention. » Carlos Paulos parle d’une voix calme, ses mots sont choisis, son ton se veut rassurant.

Lui, directeur de l’asbl 4Motion, sait combien faire comprendre l’intérêt de l’initiative Pipapo concernant les drogues en milieu festif n’est jamais simple. « Ce n’est pas parce qu’une chose est interdite qu’elle n’existe pas. C’est le cas pour les psychostimulants en soirées. Nous, nous avons choisi d’aller au contact de celles et ceux qui souhaiteraient en consommer et les interpeller sur deux choses : “Tu sais ce que tu vas prendre?”, “Tu connais les limites et les risques ?” »

Voilà six ans que Pipapo va  ainsi de bars en salles de concert, de festivals en raves, de discothèques en clubs. Avec toujours un stand aussi haut en couleurs que ses équipes sont discrètes. Ni tee-shirt visible, ni uniforme pour ses intervenants, mais des garçons, des filles, des hommes, des femmes («  des pairs ») qui vont aller au-devant du public pour « accompagner la fête et éviter à ce que les uns et les autres vivent autre chose que ce qu’ils désirent ».

De l’acouphène à la MST en passant donc par l’overdose ou le bad trip, Pipapo veille donc à tout, sur tous types de profils. « Nous ne sommes jamais moralisateurs, juste informatifs », poursuit le Dr Carlos Paulos.

Anonymat préservé

Pour les consommateurs de produits stupéfiants, l’idée est de proposer un “drug checking”. Un test gratuit destiné à faire connaître à l’intéressée les composants et les concentrations de la substance en sa possession. Une analyse menée par le Laboratoire nationale de santé (LNS) et dont l’usager aura le résultat en ligne via un code unique et anonyme.

En 2022, 117 échantillons ont ainsi été analysés. Et dans 10 cas, le produit ou sa composition ne correspondait pas à ce que l’usager pensait. Le compte-rendu scientifique permet donc d’adresser un message précis sur « la stratégie à tenir si toutefois une consommation reste envisagée ».

L’esprit Pipapo consiste ainsi à faire « la liaison entre le chimique et l’humain, toujours avec attention. L’idée est d’ouvrir les yeux des consommateurs en les invitant à s’interroger sur une question “Maintenant que tu sais ce que tu voulais prendre, te voilà responsabiliser de tes choix. Pour toi, pour ceux avec qui tu voudrais partager cette poudre, ce cachet”… »

Cannabis, MDMA, cocaïne, amphétamines, LSD, kétamine, NPS, 2c-B, le LNS analyse les 10 à 20 mg proposés en 24 à 72 heures. Un délai qui peut apparaître long mais qu’en fait nombre d’usagers ont fini par intégrer. Résultat, ils sont de plus en plus nombreux, à venir volontairement se présenter aux permanences de l’asbl (rue Adolphe-Fischer à Luxembourg) plusieurs jours avant la fête où ils souhaitent consommer.

Important : toute la démarche est totalement anonymisée. Aucune information personnelle (type nom, adresse) n’est demandée à qui participe à l’initiative qui bénéficie de financements européens et du ministère de la Santé luxembourgeois. « C’est donc gratuit, discret au maximum et totalement bienveillant ! »

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