2015 aura marqué un tournant dans la liberté offerte à chaque salarié français de pouvoir disposer par lui-même d’un accès à toute forme de formation professionnelle. C’est le fameux CPF, compte personnel de formation.

Depuis ce qui devait être un plus pour la montée en compétences ou l’aide à la reconversion a été quelque peu dévoyé. Des avantages et des défauts que Romain Lasserre présentera ce 22 novembre lors d’une intervention à la Chambre des salariés Luxembourg (18h30). Une parole syndicale qui met en garde contre toute mauvaise transposition de ce droit.

Rapellez nous principes et fonctionnement du Compte personnel de formation.

Romain Lasserre (Force ouvrière) : « Le CPF est un compte qui permet à chaque actif d’acquérir des droits à la formation. Un cumul (d’heures et maintenant monétaire) qui peut être activé tout au long de sa vie professionnelle et qui suit le salarié d’un employeur à l’autre. De son entrée dans la vie active à sa retraite, du secteur privé comme dans l’administration. Soit plus de 19 millions de salariés en France.

Au départ, l’atout majeur de ce dispositif était de déconnecter la possibilité d’accéder à une formation du cadre arbitraire de l’employeur. Le salarié seul pouvait décider de ce qu’il voulait suivre comme cursus et combien de temps il souhaitait y consacrer. Et puis, au fil de sa carrière, il avait la visibilité sur son compteur. Sachant exactement que même si l’entreprise ne lui accordait pas de formation, il pouvait saisir une opportunité par lui-même. Certaines négociations de conventions collectives avaient même abouti à ce que l’entreprise abonde le quota d’heures accordé.»

A priori, cela parait une belle avancée sociale. Pourtant, vous semblez plus qu’hésitant à vanter ce CPF. Pourquoi ce doute ?

« Le Compte personnel a été quelque peu dévoyé à partir du moment où d’heures cumulées, on est passé à une monétarisation de ce droit à la formation. Sont alors apparues des centaines d’organismes de formation -plus ou moins bons- voulant tirer profit de ce pactole. Aux yeux des syndicats, le CPF était un bel outil dans la mesure où il permettait à l’individu de pouvoir obtenir des certifications professionnelles lui permettant de pouvoir prétendre à de nouvelles fonctions, à une meilleure rémunération.

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Et puis soudainement, le catalogue des formations accessibles aux détenteurs de CPF a explosé, avec des finalités parfois sans lien avec cette promotion sociale et professionnelle attendue. Il y a même une explosion des fraudes liés à l’usage de ce dispositif en France. »

Y a-t-il d’autres « périls» dont vous tenez à mettre en garde ?

« Il faut être particulièrement vigilant à ce que ce droit individuel soit bien déclenché selon le souhait du salarié lui-même. Certains chefs d’entreprise demandent à leurs employés de se former via ce dispositif qui s’avèrent moins coûteux pour eux que de financer la formation continue de leurs salariés.

De même, alors que l’accès aux formations CPF pouvait se faire sur le temps de travail, de plus en plus de volontaires ont été incités à suivre ces heures en dehors. Du coût, soit le temps consacré à la vie privée en prenait un coup, soit l’ayant-droit renonçait à ce qui aurait pu pourtant être un élément valorisant, épanouissement.

Sans oublier, parfois, des restes à charge des coûts de formation qu’un salarié lambda ne peut pas assumer sans un coup de pouce de son patron ou de l’Etat. D’où là aussi pas mal d’abandon à déclencher ce droit. »

Toutefois, l’outil n’est pas à jeter aux oubliettes, n’est-ce pas ?

« Non. Mieux réglementé, avec des organismes de formation agréés de façon stricte, cela constituerait un vrai plus. On peut très bien imaginer d’ailleurs que ce soit une pièce centrale vers l’accélération de la montée en compétences digitales ou environnementales d’une partie des employés ou des demandeurs d’emploi.

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Tout comme, en son temps, le législateur n’a pas cru bon de faire de ce CPF un droit transmissible. Alors que l’on pourrait très bien imaginer qu’un salarié puisse octroyer à un collègue de tout ou partie des heures cumulées. Que ce soit pour le maintien dans l’emploi d’un senior ou l’amélioration rapide des savoir-faire d’un plus jeune. »

Le CPF est-il alors compatible avec le Luxembourg ?

« L’histoire sociale est différente d’un pays à l’autre ; le Grand-Duché n’est pas la France. Copier serait donc ridicule. Mais s’inspirer de ce CPF pourquoi pas ? D’autant que l’Europe insiste pour que chaque Etat-membre accentue et facilite l’accès individuel (et non plus contraint à l’employeur) des salariés. »

Conférence-débat ce mardi 22 novembre (18h30) « Le compte personnel de formation français. Un dispositif à adopter ? »
à la Chambre des salariés (2-4 rue Pierre Hentges, face à la gare de Luxembourg côté Bonnevoie).
Entrée libre.

 

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