Elle figurait parmi les mesures phares du projet de réforme de l’assurance chômage voulu par le gouvernement : adoptée en première lecture par 219 voix contre 68, l’assimilation d’un abandon de poste à une démission change la donne dans le « rapport de force » entre le salarié et son employeur, notamment en cas de conflit.

Assimilée à une démission

Résumons les choses : jusqu’à présent, en France, si vous décidiez soudainement de ne plus retourner sur votre lieu de travail, sans prévenir personne (encore moins votre hiérarchie) et sans répondre à la mise en demeure de vos supérieurs vous demandant de justifier votre absence, vous étiez considéré en situation d’abandon de poste.

Cette attitude, s’inscrivant dans la liste des fautes disciplinaires, pouvait alors entraîner le lancement d’une procédure de licenciement (bien que l’employeur n’ait aucune obligation de le faire). Et qui dit licenciement, dit (ou plutôt disait) possibilité pour l’ex-salarié de bénéficier des allocations chômage de Pôle Emploi.

Mais tout vient donc de changer avec l’adoption mercredi 5 octobre dernier par les députés d’un amendement changeant complètement la donne : en cas d’adoption définitive du projet de loi global, l’abandon de poste sera dorénavant considéré comme une démission.

Une mauvaise nouvelle pour les salariés qui envisageaient cette « stratégie » pour pouvoir quitter leur poste au sein de leur entreprise en étant sûr de toucher ensuite les allocations chômage de Pôle Emploi. Dorénavant, en tant que démissionnaire, les salariés en question ne pourront donc prétendre à aucune aide (pendant au moins quatre mois, en fonction de leur situation respective).

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Le gouvernement français assume

Envoyée au front pour faire face aux critiques que soulève cette mesure, Carole Granjean, la ministre déléguée au Plein emploi, à l’insertion et à la formation professionnelle a assumé la volonté du gouvernement, indiquant que les abandons de poste étaient « un phénomène en augmentation constante ».

Enfonçant le clou, le député Renaissance Dominique Da Silva a rappelé de son côté la « désorganisation importante » que pouvaient engendrer les abandons de poste dans une entreprise.

Dans l’Hémicycle, la majorité présidentielle et la droite (qui a proposé l’amendement) se félicitent d’avoir trouvé une arme permettant de lutter efficacement contre le « stratagème » de l’abandon de poste pour profiter facilement de l’allocation chômage. En face, la gauche voit surtout dans cette mesure « une attaque à la protection des salariés ».

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Qu’en est-il dans la Grande Région ?

Si la grogne ne cesse de monter depuis quelques jours en France sur le sujet, un petit tour chez les voisins pourrait toutefois aider à relativiser.

Car au Luxembourg, les conditions sont très claires et rappelées en préalable sur le site de l’Adem : les personnes pouvant bénéficier des indemnités de chômage doivent être des chômeurs involontaires, « ce qui exclut les résiliations du contrat de travail d’un commun accord, les abandons de postes non justifiés et les licenciements pour faute grave », indique l’Agence pour le développement de l’emploi.

En Belgique, le salarié se risquant à un abandon d’emploi sans motif légitime risque, au mieux, un avertissement, au pire d’être exclu du droit aux allocations pour une durée comprise entre 4 et 52 semaines si le motif évoqué est considéré comme illégitime. Pour rappel, chez les Belges, l’abandon d’emploi englobe et l’abandon de poste et la démission.

Reste à savoir maintenant si cette nouvelle loi, si elle était définitivement adoptée, s’accompagneraient de conséquences d’ores et déjà plus ou moins prévisibles comme l’augmentation des arrêts maladie, des licenciements pour faute grave voire un accroissement du phénomène connu sous le nom de démission silencieuse.

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