Le nouveau président de la Région Grand Est a qualifié d’ «assez catastrophique » le niveau de service des TER entre la Lorraine et le Luxembourg. Partagez-vous cet avis ?

Thibaud PHILIPPS : « Difficile de dire moins, notamment après la semaine terrible que viennent de vivre les usagers du train sur le Sillon lorrain ! Pas un jour sans un problème majeur, c’est juste inconcevable. Même si tous les torts ne sont pas à mettre sur le dos de la SNCF, l’opérateur n’est toujours pas à la hauteur des exigences fixées par la Région.

Jean Rottner, le président précédent de la région, avait choisi un mode de contestation particulier : il ne payait plus ce qu’il devait à la SNCF. Là, nous avons choisi plutôt une mesure qui, continue certes à sanctionner l’opérateur, mais profite aussi aux passagers, avec cette réduction de 50% des abonnements sur les trois prochains mois. S’il on constate que la situation n’évolue pas positivement sur ce réseau Nord-Sud, nous exigerons que cette ristourne s’applique encore et encore. »

Mais il ne s’agit là que d’une consolation, pas d’une solution dans le quotidien de milliers de frontaliers…

« Clairement, l’objectif est d’améliorer la robustesse de cette liaison Lorraine-Luxembourg dans la durée. Il faut une signalisation plus fiable, des voies mieux entretenues, plus de rames à disposition. Sur ce point, la Région a fait l’effort.

Quand on dit que l’objectif est de passer des 9.000 usagers quotidiens actuels à 13 ou 14.000 en 2024 et 22.000 en 2030 ce n’est pas une utopie car nous avons planifié l’achat des rames nécessaires. Dont 16 rames à la Région Normandie qui sont en cours de mise à niveau (motorisation, sécurité, confort).

Un des problèmes sur cet axe est qu’il suffit d’un pépin pour que tout bloque, d’un train de fret qui descend pour qu’un train de passagers soit bloqué sur cette voie unique. Nous allons réfléchir pour voir si, sur le parcours vers Luxembourg, il ne serait pas possible de créer des “voies de stockage temporaires”. Sorte de parking où les trains de marchandises pourraient se positionner pour laisser passer, en toute sécurité, le flux voyageurs, notamment aux heures de pointe du matin et début de soirée.

Il faut aussi voir si des “itinéraires de délestage” ne pourraient pas être pris par ces convois marchandises qui engorgent un réseau dont on sait l’importance pour assurer le développement du travail frontalier. L’actuelle voie est, en l’état, déjà trop fortement utilisée. »

L’idée de développer un RER métropolitain entre le Grand-Duché, Thionville, Metz et Nancy avec un cadencement soutenu est donc une utopie ?

« Oh que non. C’est même certainement la forme la mieux adaptée à la problématique. D’ailleurs, l’expérience du RAM à Strasbourg va servir. On a compris pourquoi les débuts avaient été chaotiques. En fait, ce type de liaison ne se gère pas comme le réseau ferré traditionnel mais plus dans l’esprit du transport urbain. C’est pourquoi plusieurs des difficultés rencontrées en Alsace vont s’aplanir grâce aux conseils reçus de techniciens qui s’occupent du réseau Transilien en région parisienne.

Un réseau express entre Luxembourg et le Sillon lorrain est la solution. Mais la Région (qui certes devrait assumer seule la compétence “Mobilité” sur le territoire) ne pourra porter son développement sans le renfort d’autres collectivités. Il nous font construire une Société de projet où les Départements 54 ou 57 et les Agglomérations pourraient prendre place. On peut penser y intégrer l’Etat luxembourgeois s’il le souhaite.

La réflexion doit se mener rapidement, fortement, pour le bien-être des habitants de ce territoire. »

Il est aussi question d’ouvrir à l’avenir une liaison Sarrebruck, Moselle-Est et le Luxembourg. Êtes-vous favorable à ce projet ?

« Très favorable. Je sais que certaines divergences peuvent exister sur le tracé (avec un raccordement sur Metz ou plutôt sur Thionville). Mais disposer de cette nouvelle capillarité vers l’Est de la Lorraine servira des bassins de vie qui, eux aussi, sont de plus en plus en lien avec le Luxembourg.

Le point positif, c’est qu’il existe déjà des voies ferrées et des arrêts sur cet axe. Une infrastructure qui, par le passé, faisait la liaison entre les mines et la sidérurgie. La Région a donc entamé des études avec sa SPL Grand Est Mobilité pour mesurer l’investissement qui serait nécessaire. Mais là aussi, ce développement serait pertinent. »

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