Ces dernières semaines, la réforme du système des retraites cristallise les colères en France. A commencer par le recul de l’âge de départ à 64 ans. Au Luxembourg, peu de monde semblent se préoccuper d’un quelconque problème de financement des futures pensions comme l’agite le président Macron. Il est toutefois des voix qui alertent déjà…

Aujourd’hui, tout irait donc pour le mieux. Les 142.000 pensionnés actuels sont choyés, bénéficient de l’index au même titre que les salariés en poste et les anciens employés (frontaliers comme résidents) constatent avec bonheur que l’Etat luxembourgeois veille bien à maintenir leur pouvoir d’achat. Mais la situation est-elle durable ?

Actuellement, la Caisse nationale d’assurance-pension (CNAP) verse près de 6,1 milliards d’euros de pensions. Une somme qui a gonflé de 25% en 5 ans seulement. Et cela ne devrait faire que grimper dans les années à venir. De fait, le doute commence à peser sur le devenir de la réserve du régime général de pension. Un trésor de 26 milliards d’euros au dernier bilan officiel mais qui s’épuiserait en six ans (à compter de 2040) si rien n’évoluait dans le système.

La vague de nouveaux pensionnés

Car si les règles ne bougent pas, la société change, elle. Et l’Inspection générale de la Sécurité sociale (IGSS) a étudié l’impact de ces modifications démographiques et du marché de l’emploi. La décennie actuelle (2020-30) va voir le nombre de bénéficiaires croître d’environ 4% chaque année. Une progression que l’IGSS explique par une « vague de nouveaux pensionnés, essentiellement composée de travailleurs immigrés et frontaliers embauchés à partir des années 1990 ».

Selon une analyse de l’IGSS, le Luxembourg devrait au final compter 605.000 pensionnés en 2070. Trois fois plus qu’aujourd’hui… Le nombre de cotisants n’augmentera pas d’autant.

L’été dernier, la Chambre des salariés avait tiré une première fusée d’alerte. Il y a peu, c’est le directeur de la Chambre de commerce qui a, à nouveau, sonné le tocsin. Carlo Thelen parle de « bombe à retardement », estime que le système n’est « pas soutenable à long terme » et appelle à une réforme « dès maintenant pour garantir le niveau de vie des différentes générations, notamment les actifs et les plus jeunes».

Aux yeux de Carlo Thelen, se pencher sur les modalités du financement des retraites de demain constitue même « une mission cruciale ». Pour l'heure, les partis en lice pour les prochaines élections nationales et les syndicats ne réagissent guère. Pas plus que le gouvernement actuel. Comme si la seule question à résoudre concernait uniquement la réduction ou non du temps de travail.

Pourtant Carlo Thelen parle d'une réforme à mener dès 2024 par le futur gouvernement. Le responsable en fait une question d'équité sociale, intergénérationnelle et pour la soutenabilité du régime de pensions.

Adepte du dialogue social et du compromis, le Grand-Duché serait sans doute bien avisé de poser clairement le dossier sur la table au plus vite. L'exemple français montrant combien une réforme menée au forcing sur cette question des retraites peut vite se retourner contre ses initiateurs... Toucher à l'âge de départ, au montant des prestations ou des taux de cotisation, voilà une question qui demande du temps. Il est l'heure.

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