En matière sociale, un salarié frontalier désigne une personne qui exerce son activité salariée dans un Etat membre et réside dans un autre Etat membre où elle rentre en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine (1).

Classiquement, en matière fiscale, un frontalier est un salarié qui exerce son activité dans la zone frontalière d’un Etat membre et réside dans un autre Etat membre où il rentre en principe chaque jour. Néanmoins, la situation du Luxembourg est particulière à cet égard dès lors que les conventions préventives de double imposition conclues par le Luxembourg avec les pays limitrophes n’ont pas instauré un statut de frontalier conforme à cette définition classique.

De ce fait, l’administration fiscale luxembourgeoise distingue deux statuts différents : le statut de contribuable résident et le statut de contribuable non-résident. Les travailleurs frontaliers font partie de la seconde catégorie.

Sécurité sociale

Sur base de la règlementation européenne en matière de sécurité sociale(1), les frontaliers salariés travaillant au Luxembourg dépendent en principe de la sécurité sociale
luxembourgeoise. C’est à l’employeur que revient l’obligation d’affilier les salariés à la sécurité sociale luxembourgeoise.

La majorité des frontaliers qui passent chaque jour la frontière pour exercer leur activité professionnelle pour le compte de leur employeur luxembourgeois sont donc affiliés auprès de l’organisme compétent au Luxembourg (le Centre Commun de la Sécurité Sociale) et cotisent au régime luxembourgeois. Dès qu’ils sont affiliés, la Caisse nationale de santé luxembourgeoise leur fait parvenir leur carte de sécurité sociale luxembourgeoise.

Il se peut qu’un frontalier ne travaille pas uniquement sur le territoire luxembourgeois et qu’il exerce une partie de son activité dans son pays de résidence pour le compte de son employeur luxembourgeois. Dans ce cas, il pourra dépendre également du régime luxembourgeois de sécurité sociale, à condition qu’il n’exerce pas une activité dite substantielle(2) dans son pays de résidence. S’il exerce une activité substantielle dans son pays de résidence, il devra être affilié dans ce pays.

Jusqu’il y a peu, un frontalier travaillant pour le compte de deux employeurs (l’un basé au Luxembourg et l’autre basé dans son pays de résidence) devait impérativement être affilié dans son pays de résidence, même s’il n’y exerçait qu’une activité minime. Depuis l’entrée en vigueur (le 28 juin 2012) du nouveau Règlement européen n°465/2012 du 22 mai 2012, il peut dorénavant être affilié au Luxembourg, à condition que l’activité exercée dans son pays de résidence ne soit pas considérée comme substantielle (par ex. un jour par semaine).

Pour les situations préexistantes à la date d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions communautaires, il est possible d’opter pour une application immédiate de ces dispositions et donc, pour un basculement vers le régime luxembourgeois si toutes les conditions sont remplies.

Fiscalité

Sur base des conventions préventives de double imposition conclues par le Luxembourg avec les pays limitrophes, les salariés résidant dans ces pays mais travaillant au Luxembourg sont imposables au Luxembourg sur le salaire qui leur est versé par leur employeur luxembourgeois.

Pour que l’employeur soit en droit d’effectuer la retenue à la source sur le salaire au Luxembourg, le frontalier doit exercer son activité physiquement au Luxembourg. Cela
signifie, par exemple, que si un frontalier est embauché par une société luxembourgeoise pour travailler exclusivement dans son pays de résidence, il est imposable dans son pays de résidence et non au Luxembourg. S’il travaille partiellement sur le territoire luxembourgeois, son employeur ne pourra l’imposer que sur les jours d’activité exercés physiquement au Luxembourg. Le salaire exempté au Luxembourg sera imposé dans le pays de résidence du salarié par le biais de sa déclaration fiscale.

De même, si un frontalier qui exerce normalement son activité au Luxembourg est amené à travailler de temps en temps dans son pays de résidence ou dans d’autres pays (dans le cadre de voyages d’affaires occasionnels), le droit d’imposition revient à son pays de résidence(3) et non au Luxembourg. Dans ce cas également, l’employeur luxembourgeois devra limiter le calcul de la retenue à la source aux jours d’activité exercés effectivement au Luxembourg. Cela oblige les employeurs à développer des systèmes leur permettant de retracer l’emploi du temps de leurs salariés frontaliers.

Contrairement aux apparences, ces principes d’imposition découlant des conventions fiscales ne sont absolument pas nouveaux. Cependant, ils ont été fort peu appliqués durant les décennies passées laissant penser qu’ils étaient devenus lettre morte.

Depuis quelques années, les autorités fiscales allemandes et belges ont pris les mesures nécessaires afin d’être en mesure de mieux contrôler le respect de ces dispositions de droit international.

Dans le cadre d’un accord amiable conclu en date du 26 mai 2011, les autorités compétentes du Luxembourg et de l’Allemagne se sont mises d’accord sur un seuil de tolérance de 19 jours afin d’assouplir quelque peu les règles d’imposition découlant d’une application stricte de la convention fiscale datant de 1958(4). Ainsi, les frontaliers allemands restent intégralement imposables au Luxembourg si les jours prestés hors du Luxembourg restent en-deçà de 20 jours par an. Cependant, tous les jours d’activité prestés hors du Luxembourg sont pris en compte, qu’ils s’agissent de jours productifs (télétravail, business trips, visites de clients, etc.) ou improductifs (participations à des réunions intragroupes, formations, séminaires, activités sociales organisées par l’employeur, etc.).

Cet accord du 26 mai a été suivi de deux autres accords amiables conclus en date du 7septembre 2012 (l’un concernant l’imposition des chauffeurs routiers, conducteurs de locomotive et personnel accompagnant et l’autre concernant l’imposition des indemnitésde départ). Les divergences de vue entre les deux administrations fiscales portant sur la répartition des différents éléments de rémunération sont en grande partie réglées par la conclusion de ces accords. Il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre concrète de ces accords dans le cadre du payroll suscite encore de nombreuses interrogations.

Il est important de noter que la conclusion d’un accord similaire entre la Belgique et le Luxembourg portant sur l’instauration d’un seuil de tolérance n’est a priori pas à l’ordre du jour. Les frontaliers belges sont donc en principe imposables en Belgique pour tous les jours d’activité exercés en dehors du Luxembourg. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de profondes divergences de vue entre administrations fiscales belge et luxembourgeoise quant à la répartition des différents éléments de rémunération lorsqu’un résident belge est partiellement imposable en Belgique.

En conséquence de tout cela, il est vivement recommandé aux employeurs luxembourgeois de continuer à suivre l’évolution de la situation des frontaliers.

 

Janique Bultot
Senior Manager
IF Advisory (Member of IF Group)

 

(1) Règlement CE n° 883/04 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, entré en vigueur le 1er mai 2010.
(2) Une activité est considérée comme « substantielle » dès lors qu’elle représente au moins 25 % du temps de travail et/ou de la rémunération du salarié.
(3) Sur base des conventions fiscales conclues par le Luxembourg avec la Belgique et l’Allemagne (sur la base de la convention modèle OCDE), il ne fait aucun doute que le droit d’imposition revient à la Belgique ou à l’Allemagne dans ce cas de figure également (business trips occasionnels). En revanche, la convention fiscale conclue par le Luxembourg avec la France n’étant pas rédigée sur la base de la convention modèle OCDE, l’administration fiscale française n’est sans doute pas fondée à revendiquer un droit d’imposition sur les jours passés hors du Luxembourg dans le cas de business trips occasionnels.
(4) La nouvelle convention préventive de double imposition conclue le 13 avril 2012 entre le Luxembourg et l’Allemagne en vue de remplacer la convention de 1958 (dès la fin du processus de ratification par les deux Etats) ne devrait rien changer aux principes d’imposition pour les frontaliers allemands, les accords de 2011 restant pleinement d’application.

 

(Article publié dans le numéro 55 d’Entreprises Magazine, septembre/octobre 2012.)

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