Beaucoup de salariés consultent à titre privé des sites Internet
et diffusent par courrier électronique à des collègues de
travail ou à des personnes extérieures à l’entreprise
le produit de leurs recherches ou un fichier qu’ils ont eux-même reçu.

La simplicité technique avec laquelle peut s’opérer cette
diffusion de fichiers, contenant par exemple, des photos, images ou films, leur
fait bien souvent oublier les poursuites et sanctions auxquelles ils peuvent
s’exposer de la part de leur employeur.

a. La résiliation du contrat de travail

A titre d’illustration, on signalera un jugement rendu en date du 21
novembre 2003 par le Tribunal du Travail de Esch-sur-Alzette (TT Esch-sur-Alzette
21 novembre 2003 n° 2518 / 2003, frappé d’appel), qui a résilié
le contrat d’une salariée ayant fait un usage abusif de l’Intranet
au sein de son entreprise. En l’occurrence, celle-ci avait reçu
de l’un de ses collègues, sur son poste de travail, un fichier
contenant des photos très choquantes montrant des corps humains déchiquetés
suite à des accidents de la circulation. Ayant ouvert le fichier en question
et pris connaissance de son contenu, elle décida, en toute connaissance
de cause, de le diffuser, via Intranet, à vingt-deux de ses collègues.
L’un d’eux, particulièrement choqué à la vue
de ces images en informa la direction de l’entreprise, qui prit une mesure
de mise à pied et demanda en justice la résiliation du contrat
de travail de sa salariée (il s’agissait en l’occurrence
d’une salariée enceinte, de sorte que la procédure spécifique
prévue par la loi du 1er août 2001 concernant la protection des
travailleuses enceintes, accouchées et allaitantes lui était applicable).

Le Tribunal a considéré « qu’il est inadmissible
que le salarié utilise, comme en l’espèce, le matériel
mis à sa disposition par son employeur pour envoyer pendant son temps
de travail à d’autres personnes des images à caractère
particulièrement choquant, représentant des victimes d’accidents
de la circulation cruellement déchiquetées », pour faire
ensuite droit à la demande de résiliation du contrat au motif
que « les fautes reprochées à la salariée sont en
effet de nature à rendre immédiatement et définitivement
impossible le maintien des relations de travail, cette impossibilité
étant de caractère moral et résultant de la perte de confiance
éprouvée par l’employeur – élément essentiel
de toute relation de travail – à la suite des agissements contraires
aux bonnes mœurs et constituant une atteinte manifeste à la sensibilité
du destinataire des images incriminées.
».

Il appartient à l’employeur, eu égard à ses prérogatives,
de décider de la sanction à appliquer en cas d’utilisation
abusive, qui ne doit pas nécessairement consister en une rupture des
relations de travail, mais pouvant aussi prendre la forme d’un avertissement.
La mesure prise dépendra de la gravité de la faute commise mais
aussi, éventuellement, de l’information faite par l’employeur
de l’existence d’une réglementation interne visant à
interdire ou à restreindre l’utilisation du courrier électronique
à des fins privées.

Précisons d’ailleurs, que dans la décision visée
ci dessus, le Tribunal a retenu « que si, en l’absence d’instructions
formelles concernant l’utilisation à des fins non professionnelles
des outils informatiques, l’employeur doit faire preuve d’une certaine
tolérance concernant l’usage à des fins privées des
systèmes de communication mis à disposition des salariés,
il ne saurait cependant être tenu d’avaliser les abus
».

Il semble encore nécessaire de mettre en garde les salariés contre
une consultation ou un usage excessif de l’Internet ou de l’Intranet
à des fins privées pendant leur temps de travail dans la mesure
où celui-ci doit être intégralement consacré au service
de l’employeur.

Enfin, signalons que la loi du du 26 mai 2000 concernant la protection contre
le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail
réprime les comportements à connotation sexuelle (…) affectant
la dignité de la personne au travail, ce qui pourrait éventuellement
viser le contenu de certains courriers électroniques.

b.Au niveau pénal

Le salarié pourrait en outre s’exposer à des poursuites
pénales en raison du contenu de ses courriers électroniques. Par
exemple :

  • Sur base de l’article 309 du Code Pénal, au cas où il ferait
    usage du courrier électronique pour faire concurrence ou nuire à
    son employeur en divulgant, par ce biais, des secrets d’affaire ou de
    fabrication ;
  • Sur base de l’article 383 du Code Pénal, traitant
    des outrages publics aux bonnes mœurs et qui pourrait s’appliquer
    en cas de mise en circulation ou de distribution d’écrits, imprimés,
    images, photographies et films à caractère pornographique ;

  • Sur base de l’article 457-1 du Code Pénal, réprimant
    l’incitation à la haine ou à la violence par des écrits(…),
    dessins, images ;
  • Sur base des articles 443 et suivants
    du Code Pénal, au cas où le contenu d’un courrier électronique
    porterait atteinte à l’honneur ou à la considération
    d’une personne (diffamation, calomnie, injure ) et serait communiqué
    à plusieurs personnes.
  • Article rédigé par

    Christophe BRAULT, Avocat au Barreau de Luxembourg

    Note: L’article complet a été publié dans la revue MERKUR
    du mois de mai 2004