Hisler n'est pas à proprement parler une librairie "à l'ancienne", c'est même précisément une librairie telle qu'elle se doit d'être aujourd'hui. La difficulté du métier est l'équilibre entre les ouvrages à rotation rapide (le Trierweiler par exemple dont on ne parlera plus dans trois semaines) et les "rotations lentes" (L'Insoutenable légèreté de l'Etre, de Kundera, pour prendre un exemple pas trop abscons : ce genre de titre ne se vendra que deux ou trois fois dans l'année, mais il donne une "idée précise" de la qualité de l'assortiment, de sa "largeur" et de sa "profondeur". Un client qui entre dans une librairie et qui y trouve l'Insoutenable légèreté de l'Etre, titre plutôt rare, sera tenté d'y revenir s'il le peut, pour y trouver d'autres livres du même ordre susceptible de le satisfaire, et il y prendra ses habitudes, acceptant de commander les livres qui n'y seront pas.)
On appelle ces livres des livres de fonds. Il en existe des milliers, des centaines de milliers, et le choix du "fonds" parmi ces livres là caractérise et distingue les librairies les unes par rapport aux autres. L'équilibre choisi par Hisler, en dépit de son stock relativement modeste (et c'est bien tout leur mérite) est un "équilibre dynamique", et attentif au fonds comme aux livres d'actualité récente. C'est ce que devrait être une librairie moderne (très bonne équipe) et ça en fait une très bonne librairie. Leclerc et Cultura sont des épiciers opportunistes, comme Amazon qui cumule à cela l'esclavagisme et le saccage de la culture.