A l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de base légale au Luxembourg concernant l’échange d’informations sur les infractions routières, d’ailleurs le 6 mai 2014 la Cour de Justice de l’Union Européenne a annulé la Directive communautaire 2011 destiné à cette fin.*

✔ Petite mise au point : P-V, avis contraventionnel et avertissement taxé :

Tout d’abord il faut savoir que le billet doux placé sur votre pare-brise comme celui remis mano-a-mano par l’agent verbalisateur n’est pas en soit un « P-V ». Il s’agit d’un avertissement taxé au Luxembourg, ou encore d’un avis contraventionnel en France, alors que le P-V est l’acte gardé par l’agent et qui vous sera opposé devant un juge le cas échéant.

Vous avez donc tout intérêt à réflechir à deux fois avant de signer ce P-V s’il subsiste une once de doute dans votre esprit.

• Invoquer des supposés vices de forme pour « annuler » le P-V : Chimère ou réalité ?

Il est intéressant de relever que les textes légaux tant du côté luxembourgeois que français sont laconiques à ce sujet, ce qui explique pourquoi les mythes vont bon train.

Pour être informé en cette matière, il faut suivre le sillon marqué par la jurisprudence. Ainsi, les juges français ont définis une série de mentions substantielles devant figurer sur le « P-V » comme la signature de l’agent verbalisateur, son numéro de matricule, l’indication de son service (pour vérifier sa compétence matérielle et territoriale), la date, le lieu, les faits reprochés et le véhicule concerné, date de la dernière vérification du radar pour un excès de vitesse.

Sachez que même si les juges de première instance paraissent quelque fois laxistes dans leur prise de position, la Cour de cassation quant à elle donne le ton en appréciant de manière très stricte le défaut de ces mentions (Cour de cassation chambre criminelle du 13.11.2008 et du 4.06.2008).

Ainsi, le principe du « doute qui ne profite pas à l’accusé » en matière contraventionnelle (infractions qui relèvent du Tribunal de police) a été martelé à plusieurs reprises par les juges de la Cour de cassation.

Abandonnez donc l’idée de contester un pv sur le fondement du doute, parce que la mention de la plaque d’immatriculation de votre véhicule comporte une erreur, ou parce que l’heure indiquée est erroné. Il vous faudra immanquablement prouver par tout autre moyen que l’infraction reproché n’est pas constitué.

• Exemples concrets de pv contestés sur le fond :

En matière d’excès de vitesse, le conducteur doit apporter la preuve que l’infraction qui lui est reproché n’est pas constituée en son chef. Encore une fois, seule la jurisprudence permet de se faire une idée sur ce qui est « contestable » de ce qui ne l’est pas.

Gare à vous si le « p-v » a été contresigné par vos soins, vous ne pourrez pas le contester par la suite, car votre paraphe équivaut à un aveu. En matière correctionnelle et criminelle, le doute tourne à l’avantage du conducteur.

Ainsi, la Cour d’appel de Luxembourg a été amené à préciser que « le seul bruit du moteur entendu par un témoin n’est pas de nature à établir la vitesse excessive et dangereuse de la moto » (CSJ corr. 29.10.2012). Il est donc possible de se retrouver dans un box d’accusé pour conduite dangereuse et excès de vitesse sur la foi du témoignage d’une personne qui aurait … entendu votre moteur vrombir !

La même juridiction a décidé qu’il était impossible d’apporter la contre-preuve par voie de témoignage aux constats établis par un officier de police judiciaire (Cour d’appel correctionnelle de Luxembourg du 4.02.2013).

La Cour de cassation française a quant à elle rappelé que l’infraction doit être constaté par un agent ; la prise d’une photographie à l’aide d’un appareil qui n’a été soumis a aucun contrôle équivaut à un simple renseignement (Cass. crim 17.10.2001).

Le tribunal correctionnel de Luxembourg a rejeté les contestations d’un conducteur portant sur le défaut de formation de l’agent verbalisant, sur la foi de la déclaration sous serment de cet officier qui prétendait le contraire (jugement confirmé en appel par un arrêt du 22.10.2012). Alors que du côté français, certains juges du fond ont été amené à prononcer la relaxe lorsque le procès-verbal ne fait aucune allusion à l’essai de l’appareil avant son usage (CA Chambéry 9.01.1997. CA Rennes 9.02.1990).

À retenir :

  • Les audiences de police et correctionnelle au Grand-duché sont légion en matière d’infractions routières, et les décisions rendues ne sont pas particulièrement tendres avec les chauffards.
  • Le doute en matière contraventionnelle ne profite pas au conducteur, alors que c’est le cas en matière correctionnelle et criminelle.
  • La signature du pv équivaut à un aveu.

* L’échange d’informations visé par cette Directive concerne huit infractions routières : l’excès de vitesse, défaut de port de ceinture, du casque, franchissement d’un feu rouge, conduite en état d’ébriété, conduite sous l’influence de drogues, circulation sur une voie interdite ainsi que l’usage d’un téléphone portable (ou de tout autre équipement de communication) au volant. Ladite Directive reste applicable jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle disposition communautaire jusqu’au 6 mai 2015, mais la transposition dans la législation luxembourgeoise fait toujours défaut.

Maître Saliha DEKHAR
Avocat à la Cour Barreau de Luxembourg
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