Depuis que les femmes prennent peu à peu conscience de la nécessité de se regrouper pour bâtir leur carrière : des carrières de plus en plus fragmentées, différentes du modèle traditionnel de carrière en entreprise, et une ascension, de toute évidence, plus lente que celle de leurs collègues masculins. Investir dans les réseaux féminins professionnels s’avérera efficace pour améliorer leurs perspectives de carrière. A condition de les sélectionner de manière stratégique.

Que cherchent les femmes ?

De manière générale, les femmes viennent chercher dans les réseaux féminins les clés pour comprendre ce que signifie être une femme dans l’entreprise, comment se décline le leadership au féminin, comment s’imposer dans un monde masculin des affaires ou bien, plus simplement, gagner en confiance.

Elles sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience qu’être membre d’un réseau féminin dédié pour gérer sa carrière fait partie de la vie professionnelle. Même si, pour certaines, participer à un réseau peut paraître superflu dans une journée de travail déjà bien chargée.

Blocage culturel, manque d’esprit d’entreprise, peur de l’échec, pudeur, elles ont pourtant encore des difficultés à utiliser leurs carnets d’adresses ou bien leurs réseaux, d’user de leur influence pour booster leur carrière, à la différence de leurs collègues masculins plus confiants sur leurs capacités à raisonner et qui ont une conception bien plus utilitariste du networking.

A titre d’exemple, les Françaises qui revendiquent, plus que d’autres, l’accès à certains postes à responsabilités et sont soutenues en cela par leurs très nombreux réseaux professionnels n’occuperaient que 14 % des postes de direction dans les entreprises selon une enquête du journal Le Monde. Misogynie de la part des collègues masculins ou non, ne pas appartenir à un réseau professionnel est un handicap sérieux pour construire sa carrière et un obstacle tout court à l’entrepreneuriat. Ce que constatent 27 % des femmes interrogées dans une enquête menée par l’ESSEC–Paris.

Les nouveaux comportements

Avec l’arrivée sur le marché des jeunes générations qui maîtrisent parfaitement les nouvelles technologies, les attentes et les pratiques se transforment. Les trentenaires sont à l’aise avec les nouveaux outils virtuels qui leur facilitent la vie et leur font gagner du temps (réseaux divers, hubs, groupes de ressources, blogs) ; elles savent en tirer parti – à la différence de leurs aînées – et n’hésitent pas à mettre en avant leurs compétences techniques et relationnelles en les postant sur des réseaux virtuels tels que LinkedIn et Facebook.

Se rendre visible en ligne auprès des entreprises et gérer leur image leur paraît tout à fait naturel. Partant, les réseaux traditionnels se doivent d’intégrer ce changement et offrir à des femmes fraîchement sorties de l’université ou des écoles, demandeuses de formations, des programmes d’apprentissage solides et efficaces, d’attirer des intervenants de qualité, de proposer un tutorat, aussi. Ils doivent pouvoir sensibiliser et impliquer en permanence, grâce à leur pouvoir d’influence (à développer), les acteurs RH, et cela au plus haut niveau.

A la condition de se transformer eux-mêmes, les réseaux traditionnels pourraient alors devenir des lieux d’innovation sociale et managériale. Les réseaux virtuels et traditionnels ont de toute évidence chacun leur utilité.

Les réseaux professionnels féminins sectoriels ou généralistes se multiplient et se regroupent

Réseaux de femmes interentreprises, réseaux internes aux entreprises, réseaux indépendants, les organisations féminines de cadres et cadres supérieures cherchent à se développer, à se rassembler pour peser plus et faire entendre la voix des femmes en adaptant leurs actions au contexte du pays.

Au Luxembourg, sous l’impulsion du ministère de l’Egalité des chances, des Chambres professionnelles, les réseaux indépendants de femmes se multiplient, tissent des liens par-delà les frontières.

L’an passé, au Luxembourg, sous la houlette de la Fédération des Femmes Cheffes d’Entreprise du Luxembourg (FFCEL) et en partenariat avec Est’elles Executive s’est tenue une conférence qui réunissait les divers réseaux de femmes ainsi que ceux des régions transfrontalières (Allemagne, France, Belgique). Les thématiques abordées portaient sur la place de la femme dans le monde professionnel, la difficulté d’accéder aux postes de direction et la question de l’égalité des hommes et des femmes dans la vie professionnelle. Avec pour objectif affiché de sensibiliser et d’accélérer la promotion des femmes dans l’entreprise et les collectivités publiques. Il est vrai que les dernières statistiques disponibles en 2013 interpellent quelque peu : seuls 18 % des gérants d’entreprise, dirigeants ou actionnaires, sont des femmes au Luxembourg.

Le GEM1 Report 2015 indique pour sa part que le nombre de femmes créateurs d’entreprise – appelés nascent entrepreneurs – reste bien inférieur à celui des hommes. Dans la banque et la finance, il y a bien peu de femmes dans les postes à hautes responsabilités. Dans les conseils d’administration, si la Norvège et la France sont toujours en tête avec un taux de féminisation des conseils qui dépasse 30 % dans les grandes sociétés cotées, au Luxembourg, tout comme dans les autres pays du Benelux, il se situe entre 10 et 20 %. Ainsi, chez Deloitte, une entreprise qui offre pourtant aux femmes, du recrutement à la formation en passant par l’organisation du temps, divers programmes qui peuvent être qualifiés de Career Booster, seules 15 % des femmes accèdent au niveau Partner.

Des réseaux qui se construisent également au sein de grandes entreprises

Les premières à se doter d’un réseau de femmes ou d’un système de parrainage ont été les entreprises anglo-américaines ; les premières également (modèle managérial américain oblige) ont lancé des programmes de formation au leadership, de prise de parole, de mentoring et à en faire bénéficier les femmes.

Chez Accenture Luxembourg/ Belgique, par exemple, on soutient le développement professionnel des femmes avec la formation Developing High Performing Women. Des femmes membres des équipes dirigeantes aident leurs consoeurs managers à évaluer leurs besoins pour aller plus loin dans leur parcours professionnel et à favoriser leur présence au sein des conseils d’administration, de surveillance et directoire, majoritairement occupés par des hommes.
En France, l’entreprise a créé en 2004, le réseau Accent sur Elles, un réseau interne de femmes d’affaires qui, au fil des années, s’est ouvert à ses clientes. L’objectif de l’entreprise américaine pour 2017 est d’embaucher au moins 40 % de femmes.

Démarche similaire chez Deloitte Luxembourg ou la WoMen Initiative a été mise en place (au sein du Comité RSE) pour garantir un équilibre hommes-femmes. Objectif atteint, excepté dans les postes à responsabilités.

D’autres entreprises ont suivi, telles que les banques BGL BNP Paribas, la Société Générale, ING, pour ne citer qu’elles. Pour autant, les femmes ne sont toujours pas suffisamment représentées dans les postes à responsabilités, ou si peu.
Faut-il parallèlement former les Partners et directeurs à la nécessité de recruter au féminin ? C’est ce qu’on pense chez Deloitte.

Les réseaux qui comptent au Luxembourg

Femmes Leaders, Women in Digital Empowerment (WIDE), The Network, Luxembourg Pionnières et Female Board Pool, Business Mentoring font partie, avec la Fédération des Femmes Cheffes d’Entreprise du Luxembourg (FFCEL) et l’ILA (Institut Luxembourgeois des Administrateurs) des principaux réseaux et outils nationaux de promotion au service des (futures) cheffes d’entreprise et des femmes cadres et/ou cadres supérieures.

Parmi les réseaux européens les plus connus, le réseau European Professional Women’s Network (EPWN), groupe de réflexion paneuropéen constitué de cadres et cadres supérieures, publie des livres, participe à tous les colloques et forums, et traite de la problématique des femmes dans leur vie professionnelle. C’est aussi un réseau qui organise localement des événements pour ses adhérentes (formation, partage d’expériences, mentoring, modèle de réussite féminin).

Il faut aussi mentionner le Lobby Européen des Femmes (EWL) et leur enquête phare, WEstart, auprès des entreprises sociales de dix pays européens ainsi que le réseau américain WeConnect qui est basé en Europe au Royaume-Uni, en Allemagne, en Hollande, entre autres. 

Martine Borderies

 

(Article publié dans le numéro 82 d’Entreprises Magazine, mars/avril 2017.)

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