Il faut remonter à l’année universitaire 2014/2015 et au cas d’un étudiant français non-résident, fils de frontalier. A l’époque, Nicolas introduit une demande de bourse pour le semestre d’hiver dans le but de suivre un cursus universitaire à Strasbourg. Son père, Bruno, comptabilisait alors 17 années de cotisation au régime de sécurité sociale luxembourgeois.

Pourtant, l’Etat refuse d’octroyer une aide financière à Nicolas. La raison ? Bruno avait été un contribuable continu au Luxembourg entre octobre 1991 et septembre 2014, en ayant toutefois interrompu son activité entre janvier 2008 et décembre 2012.

Période de référence de sept ans

Or, la législation du pays impose qu’au moment de la demande, le travailleur, en l’occurrence Bruno, ait travaillé au moins cinq ans au Luxembourg sur une période de référence de sept ans précédant la demande.

Il faut noter qu’en 2013, la loi subordonnait le versement d’une aide à condition d’avoir travaillé cinq ans de façon continue au pays, au moment de la demande.

En 2014 déjà, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait été émis un arrêt introduisant la période de référence de sept ans, dans le but d’alléger la contrainte.

« Une distinction fondée sur la résidence »

L’étudiant s’est donc tourné vers le Tribunal administratif Luxembourg pour engager un recours. Celui-ci a sollicité la CJUE pour savoir si cette condition de durée de travail minimale, implémentée dans l’objectif d’augmenter la proportion de personnes résidentes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, était nécessaire dans cette situation.

La CJUE s’est donc posée la question de la compatibilité entre cette règle et le principe de libre circulation des travailleurs et des membres de leur famille dans l’UE. En outre, elle souligne que « la législation luxembourgeoise contient une distinction fondée sur la résidence, susceptible de jouer davantage au détriment des ressortissants d’autres Etats membres dans la mesure où les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux et que cette distinction constitue une discrimination indirecte fondée sur la nationalité qui ne pourrait être admise qu’à la condition d’être objectivement justifiée, c’est-à-dire propre à garantir la réalisation d’un objectif légitime et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

« Le texte de loi sera révisé »

Si la Cour ne remet pas en cause l’objectif luxembourgeois, elle considère, en revanche, illégitime de considérer la seule condition de durée de travail minimale pour fonder sa décision de ne pas octroyer de bourse à son fils.

Avocat à la cour de Luxembourg, Me Pascal Peuvrel « salue une décision qui rend justice aux frontaliers dont les droits ont été privés. L’affaire va maintenant revenir devant le Tribunal administratif luxembourgeois, qui sera obligé d’appliquer la décision de la Cour de justice européenne. Donc, le refus d’octroyer la bourse à cet enfant de frontalier sera annulé et le texte de loi sera révisé. »

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