Petit-fils de tirailleur, qui s’est battu pour la France dans les troupes coloniales, durant la seconde guerre mondiale, il a la carrure et le sourire d’Omar Sy.

 

D’origine sénégalaise, il a passé son enfance à Dreux, une ville où le Front National a remporté sa première victoire électorale, en 1983.

 

Il y a quinze ans, il s’est installé dans la région de Villerupt, comme coach sportif. Entretemps, il s’est recyclé dans l’alimentation. Après avoir transité un temps dans la restauration.

 

Les frontières, ils ne connaît pas. Il les passe et repasse plusieurs fois par jour. Que ce soit pour les besoins de son commerce : chaque matin, il part en France chercher ses poulets à rôtir, pour les revendre selon les jours dans le sud du Luxembourg, ou bien dans le Pays-Haut. Le soir, il ramène son camion en France. Dans le privé, il partage son existence entre le 54 et le Grand-Duché, où habite son amie luxembourgeoise.

 

Parler la langue du pays, par courtoisie

 

Le luxembourgeois, il l’a appris : par courtoisie pour les habitants du pays où il séjourne une partie de sa vie, et par fibre commerciale aussi. “Le fait de parler la langue est un avantage. Ce n’est pas que les Luxembourgeois n’aiment pas parler français, mais ils préfèrent qu’on leur cause dans leur langue, ce qui est normal. C’est tout simplement une marque de respect”, reconnaît-il.

 

Toujours de bonne humeur, il connaît tout le monde, là où il arrête son camion-rôtisserie. En luxembourgeois, il interpelle les gens qui passent ou viennent à sa rencontre: ce sont essentiellement des personnes âgées, qui restent plusieurs heures auprès de son camion pour discuter; ou bien des classes de primaire, qui s’arrêtent pour lui lancer un grand bonjour.

 

Le dimanche, certains de ses clients viennent même de Bastogne jusqu’à Bascharage, pour lui acheter ses poulets.

 

“Au Luxembourg, on m’appelle le ‘Français’”

 

“Les clients me voient comme un Français. Au début ils étaient très réticents de voir une personne de couleur vendre du poulet. En france, c’était pareil”, se souvient-il. “Parfois, ils n’osaient pas s’approcher, tournaient les talons, puis repartaient discrètement. D’autres croyaient que je vendais des produits africains. Avec le temps, la plupart en sont revenus. Maintenant qu’ils me connaissent, ils osent s’approcher”, dit-il dans un grand éclat de rire.

 

Cinq ans qu’il fait ce métier. Il gagne selon les mois entre 2.000. et 3.000 euros net. “Ce que j’aime c’est le contact avec les gens. Cela me permet aussi de casser les clichés sur les Africains et de changer un peu les mentalités.”

 

Sénégalais de naissance, de coeur et de culture, et Français d’adoption, il se sent bien au Luxembourg. “Que j’aille en France, au Grand-Duché, en Belgique ou en Allemagne… Partout, je suis finalement étranger. Pour moi, les nationalités ne comptent pas.”, précise-t-il.

 

Serein face au FN

 

Il suit de très près la politique française et reste serein face à  une éventuelle victoire de l’extrême droite : “C’est malheureusement une tendance qu’on retrouve dans beaucoup de régions du monde actuellement. Le pays a néanmoins besoin d’étrangers. Le FN dit qu’il défend les intérêts de la France et des Français. Mais ils sont comme beaucoup de politiciens : ils ne pensent qu’à l’argent et au pouvoir. Ce n’est que de la politique purement politicienne”, observe-t-il. Il ne sait pas pour qui il va voter en avril prochain, car il ne voit aucun politicien valable et capable de gouverner correctement le pays.

 

Être à son compte

 

Bientôt, il déménagera au Luxembourg, pour vivre à plein temps avec sa copine. Pas question en tout cas de retourner à Dreux. Passionné de cuisine, il envisage sérieusement de se mettre un jour à son compte, une fois que ses enfants seront plus grands.

 

Son rêve, serait de continuer à sillonner les petites villes de la Grande Région, en France, au Luxembourg ou en Belgique, à l’occasion de fêtes de villages ou d’anniversaires aussi, mais, cette fois, avec son camion rôtisserie.