Ignacio, 27 ans, est frontalier français. Il vit à Longwy. D’ailleurs, toute sa famille habite à la frontière : ses parents, ses frères et ses sœurs. Et tout le monde travaille au Luxembourg : « ça fait partie de l’héritage familial. Tu es un enfant de la frontière. Tu travailles forcément au Grand-Duché » commente-t-il.

« Des maçons, tu en trouves partout »

Ignacio est maçon. Il reconnaît n’avoir pas fait de longues études. Il est diplômé d’un CAP de maçon-carreleur obtenu au Greta : « Je me suis dit qu’un métier manuel, ça devait rapporter aussi beaucoup d’argent au Luxembourg » souligne-t-il. Pas vraiment. « Des personnes qui font le même métier que moi, finalement, tu en trouves partout » et rage souvent de voir des salariés non formés qui s’improvisent maçon avec le sentiment profond que « si tu veux rentrer au Luxembourg, la porte d’entrée, c’est la maçonnerie » confirme-t-il. Dans son secteur d’activité qui est le bâtiment, c’est un peu le mode de fonctionnement.

2 600 euros brut par mois, tu fais rien !

Il travaille depuis trois ans au Luxembourg. Il gagne 2 600 euros brut par mois. Célibataire et sans enfant, les impôts ne lui font pas de cadeau : « Tu es plus taxé qu’un ménage. Ce n’est pas juste ».  

Il n’a pas d’autres avantages comme une carte essence, des tickets restaurants, pas de primes à l’année et encore moins de 13e mois  : « Bien évidemment, je gagne plus que si j’exerçais ma profession en France. Mes collègues touchent 1 600 euros brut mensuel. Mais ils n’ont pas les mêmes dépenses que moi ».

Un budget serré…

Dans son budget mensuel, il doit intégrer : un loyer plus élevé « Je paie actuellement 700 euros pour 65 m2 », des dépenses de carburants qui se chiffrent à près de 250 euros par mois « Je dois me rendre sur les chantiers par mes propres moyens », des déjeuners pris sur place « même si je les prépare assez souvent mais quand la météo n’est pas bonne, je consomme sur place. Le prix des repas n’est pas le même qu’en France ou en Belgique. C’est plus cher ». Sans compter, ces vêtements de chantier qu’il a dû s’acheter et qu’il renouvelle régulièrement. Toutes ces dépenses mises bout à bout, Ignacio trouve que le Grand-Duché, ce n’est pas forcément un « eldorado ».

Il se demande souvent si son employeur ne profiterait pas de sa naïveté : « Sur le principe, il est gagnant. Je reste dans mon travail et je ne dis rien. Mais ça ne va pas durer ; forcément ».

Il ne part pratiquement jamais en vacances, ne pratique pas d’activités de loisirs : « Tu bosses tes 40 heures. Les trajets sur la route, c’est usant. Du coup, tu rentres le soir chez toi, tu n’as plus envie de ressortir. Et le week-end, tu te reposes de ta semaine. Pas marrant ». Financièrement, il n’en a pas les moyens. 

« Des soirées entre amis où tu caches la réalité »

« Quand tu dis que tu fais partie de ces salariés pauvres du Luxembourg, personne ne te croit. Les gens s’imaginent que tu gagnes bien ta vie. Mais quand tu fais tes comptes à la fin du mois, au final, c’est une tout autre réalité ».

Il est souvent gêné lorsqu’on lui dit : « Tu as de la chance de travailler au Luxembourg. Tu gagnes bien ta vie ». Il aimerait répondre « Pas autant que vous le pensez ».

Mais l’image véhiculée par le Grand-Duché et son train de vie fait que « tu n’oses pas tout dire. Tu caches la réalité pour ne pas passer pour un idiot ».

Ignacio* est un nom d’emprunt

Si vous souhaitez partager votre expérience, contactez-nous par mail [email protected] ou remplissez ce formulaire.

Lire Tristan : “Si tu tombes sur un bon patron au Luxembourg, c’est le jackpot “