Le juge de 1ère instance avait retenu le caractère abusif du licenciement, avec toutes les conséquences qui en découlent, notamment pécuniaires. Mécontent, l’employeur a donc décidé d’interjeter appel de cette décision.

A son tour, la Cour d’appel a consacré le caractère abusif du licenciement, quoique les motivations à l’origine des deux décisions divergent.

Mais là où le bât blesse, et tandis que la première décision avait fait droit à la demande du salarié en réparation de ses préjudices matériel et moral, la Cour d’appel a, elle, réformé le jugement quant aux demandes indemnitaires liées au licenciement.

A quelques jours des fêtes…

Revenons-en aux faits : le salarié a été licencié avec effet immédiat le 19 décembre 2017. Le 15 janvier 2018, constatant l’illégalité du licenciement opéré, l’employeur a envoyé un courrier au salarié en lui proposant l’annulation du licenciement (qu’il savait bancal) et un retour dans l’entreprise.

Cette réintégration fût logiquement refusée par le salarié. Comment pouvait-il en être autrement alors qu’il venait d’être évincé de la société de manière totalement arbitraire et illégale et ce à quelques jours des fêtes de fin d’année ?

Le premier juge a très justement retenu qu’il ne saurait « pas être reproché au salarié qui se voit notifier un licenciement avec effet immédiat, de ne pas accéder à la proposition de l’employeur d’« annuler » le licenciement par la suite pour continuer la relation de travail ». Cette appréciation semble être pleine de bon sens.

En effet, pour prétendre à une indemnisation de son préjudice, le salarié doit prouver un dommage en lien direct avec le licenciement qualifié d’abusif par la juridiction.

Il va de soi que dans ce cas, la perte brutale de son emploi ainsi que l’impact psychologique qui en découlait avait nécessairement causé un préjudice au salarié, ce qui était prouvé.

Pourtant, l’arrêt de la Cour d’appel a fait un pied de nez à cette interprétation. Choix a été fait de refuser au salarié une indemnisation sur ce poste de préjudice en retenant que « si [le salarié] était certes libre de ne pas accepter la proposition de [l’employeur] tendant à le voir réintégrer dans ses services, comme de ne pas accepter n’importe quelle offre d’emploi, et à voir considérer le licenciement intervenu comme nul et non avenu, [le salarié] ne saurait cependant faire valoir ni un préjudice matériel ni un préjudice moral liés au licenciement voire à la perte de son emploi, ou liés à l’atteinte à sa dignité de salarié, étant donné qu’il avait la possibilité de reprendre son travail auprès de [l’employeur]. »

D’une part, cette argumentation est tout à fait contestable.

Nier l’atteinte au salarié

Ainsi, le salarié a effectivement été licencié de manière abusive (ce que les seconds juges n’ont pas remis en cause). Il a également été privé d’un emploi par ce licenciement et, au final, il n’est nullement possible de nier l’atteinte à sa dignité de salarié alors qu’il a été victime de cette pratique.

En clair : il est dit au salarié qu’il a été victime d’un licenciement abusif mais qu’il n’a pas droit à une quelconque indemnisation car il n’est pas retourné travailler chez son patron… Ce faisant il a contribué lui-même à la réalisation de son propre préjudice financier et moral post-licenciement dont il se retrouve au final privé !

Si tant est que l’on tente de suivre l’interprétation étonnante de la Cour d’appel, il est tout à fait impossible de nier les préjudices subis par le salarié a minima du 19 décembre 2017, jour de son licenciement, au 15 janvier 2018, jour où l’employeur lui a proposé d’annuler le licenciement.

D’autre part, la décision de la Cour d’appel est en totale contradiction avec la législation du travail. Précisément, l’article L.124-12 du Code du travail prévoit l’octroi de dommages et intérêts en réparation du dommage subi par le salarié du fait de son licenciement abusif.

Cet article prévoit également la possibilité pour le salarié de solliciter une réintégration qui pourra être proposée à l’employeur par le Tribunal en lieu et place du versement de dommages et intérêts.

L’on comprend bien l’esprit de cet article qui permet au salarié qui le souhaite, suite à son licenciement abusif, de décider ou non de retourner travailler auprès de son employeur.

Retourner auprès de son bourreau

En tout état de cause, cette décision appartient uniquement au salarié qui est libre de ne pas opter pour ce choix et qui en cas de non-option pourra prétendre à des dommages et intérêts.

C’est en quelque sorte la double peine pour le salarié qui est licencié outrageusement et auquel on reproche ensuite de ne pas avoir accepté de revenir travailler au sein de l’entreprise. L’injonction à une victime de retourner auprès de son bourreau…

Enfin, nous osons espérons que la Cour d’appel n’a pas ouvert la boîte de Pandore en prenant une décision de cet acabit.

Car demain, s’il suffit, pour se prémunir de devoir payer des dommages et intérêts en vertu de la loi, de licencier et de proposer ensuite une réintégration (qui sera refusée dans 99% des cas), cela ouvrirait la voie à des pratiques totalement abusives de la part de certains employeurs peu scrupuleux.

Il n’est pas certain que cette histoire en reste là…

Article rédigé par Maître Pascal Peuvrel, avocat à la cour ([email protected]) et Quentin Gavillet, avocat.

 

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