Le portrait de Sylvain a initialement été publié l’année dernière mais reste on ne peut plus d’actualité. 

L’idée mûrissait depuis quelques temps dans son esprit. Ereinté, essoré par le train-train quotidien, il décide un jour de mettre cartes sur table. « J’ai dit stop. »

Aux prises avec un employeur arrangeant et surtout compréhensif, il plie bagages avec un pécule dans la valise il y a de cela un an. Pour Sylvain, le Luxembourg, c’est terminé.

Retour, ou plutôt, nouveau départ dans son Hexagone de résidence où il dégotte rapidement un poste à durée déterminée dans une agence chargée de l’emploi.

Plus « sobre », plus « peinard » dixit l’intéressé sans l’once d’une nonchalance dans son propos, il se retrouve dans sa nouvelle vie. « J’ai gagné en qualité de vie. Franchement, c’est que du bonheur. »

Stress des transports évacué

Finie l’attente dans le trafic engorgé en direction du Grand-Duché, « cela me prend quinze minutes pour me rendre au travail. Je roule tranquille à 50 km/h en prenant les petites routes et ça va tout seul. »

Enterré aussi l’énervement au moment d’arpenter les rues pour trouver une place de parking. « C’était la même musique tous les jours, matin comme soir. Il suffisait qu’il pleuve pour que la situation empire, souffle l’ex-frontalier. C’était minimum deux heures par jour sur la route. » Evacué le stress du déplacement donc, qui l’a rongé pendant ses 20 années d’exercice au Grand-Duché.

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A fortiori quand Sylvain n’avait d’autres choix que d’emprunter son véhicule, efficacité logistique oblige. « Mon domicile n’était pas très bien desservi par les transports en commun. Prendre le train m’aurait coûté autant de temps voire plus que d’y aller par mes propres moyens. »

Plus jeune, en début de carrière, il s’installe pourtant de l’autre côté de la frontière pendant deux ans, mais ne trouve jamais ses marques.

« J’emmène et je récupère mes enfants tous les jours à l’école »

Appréciant de pouvoir désormais vaquer aux aléas de la vie courante, « une absence d’une heure pour un rendez-vous chez le dentiste par exemple », celui qui est devenu père profite pleinement de ses enfants. « Les enfants de frontaliers vont au périscolaire et les parents ne les récupèrent qu’en fin de journée. Les miens, je les emmène et les récupère tous les jours à l’école. »

Même sa compagne qui fait la navette tous les jours commence à « jalouser » son rythme allégé en tension.

« Au départ, on se rêve tous en golden boy »

Vacciné contre le Grand-Duché, la carrière de Sylvain avait néanmoins tout d’un parcours idéal et longiligne. Diplômé dans le commerce au Luxembourg, une banque l’embauche à la sortie de l’université.

Ambitieux, il se met d’abord à rêver grand avant de rapidement déchanter. « Au départ, on rêve tous d’être des golden boy. Mais j’ai pu m’apercevoir que 90% des employés des banques au Luxembourg font de la saisie. Vous entendez souvent des gens dire qu’ils font ci ou ça, mais ce n’est pas vrai. »

« Les costumes, à la longue, c’est un budget »

Désabusé, inintéressé par ses tâches professionnelles, son entêtement ne tient qu’à un détail, si l’on peut le qualifier ainsi : le salaire. « J’ai démarré à 2.500 euros bruts et j’ai terminé avec presque le double. C’est la seule chose qui me retenait. »

Car même son environnement et la pression « invisible mais constante » qui pèse sur ses épaules lui déplaisent. L’ambiance anglo-américaine n’est pas sa tasse de thé. « En dehors du boulot, elle me plait. En exercice, nous ne sommes pas collègues, nous sommes concurrents, à attendre l’erreur du voisin. »

Le smart and clean imposé par les secteurs bancaire et administratif du pays vient gonfler sa liste de déplaisirs. « Acheter des costumes, des chemises, des chaussures pour être toujours sur son 31, à la longue, c’est un budget. »

Salaire divisé par 2,5

A présent plus détendu, oubliés les pieds de plomb, le néo-conseiller en insertion professionnel est revigoré par son nouveau job. « Je suis depuis un petit temps bénévole dans une association et j’avais envie de faire un travail où je pouvais aider les gens. J’y tire une satisfaction personnelle. »

Délesté d’impératifs financiers, son cadre vital compense des émoluments nettement inférieurs, de l’ordre de 2,5 fois moins, son seul regret toutefois.

Il n’empêche que « même pour tout l’or du monde, je ne reviendrai pas. Je vous le dis droit dans les yeux, même si on en vient à me proposer 5.000 ou 6.000 euros par mois pour y retourner, je dirais non. »