Souvenez-vous : le 3 mars au matin, tandis que tous les indicateurs semblaient au vert après une validation par la Commission européenne à l’automne et un vote des eurodéputés au Parlement européen en février dernier, l’Allemagne indiquait son intention de s’abstenir lors du vote du Conseil de l’Union européenne devant entériner l’interdiction de vente des véhicules thermiques neufs à partir de 2035.

Une surprise autant qu’un tollé parmi les États membres, tant le poids démographique de l’Allemagne (83 millions d’habitants) rendait de facto impossible l’aboutissement du vote. Pour justifier leur décision, les Allemands mettent en avant les garanties qu’ils attendent toujours de Bruxelles que les carburants de synthèse pourront bien être toujours utilisés dans les voitures au-delà de 2035.

Qu’est-ce qu’un carburant de synthèse ?

L’appellation désigne l’ensemble des carburants, sous forme liquide ou gazeuse, qui sont produits à partir de dioxyde de carbone (CO2) et d’électricité décarbonée. Ils ne comportent donc aucune trace de matière première fossile, ni même de biomasse.

Pour faire simple, des panneaux photovoltaïques et des éoliennes produisent par exemple de l’électricité. Cette électricité est ensuite utilisée pour produire de l’hydrogène bas-carbone. Pour ce faire, on utilise le procédé d’électrolyse de l’eau, consistant à faire passer un courant électrique dans l’eau pour séparer la molécule en deux éléments : le dioxygène et le dihydrogène.

C’est ce dernier qui, une fois combiné à du CO2 (préalablement récupéré dans l’atmosphère ou sur des sites industriels utilisant des énergies fossiles), permettra de produire ces carburants synthétiques, qu’ils soient liquides ou gazeux.

Des e-fuels vraiment plus écolos ?

C’est en tout cas ce qu’affirment en chœur bon nombre de compagnies industrielles et pétrolières, rejointes par plusieurs constructeurs automobiles, toutes réunies au sein de l’eFuel Alliance. Parmi ces sociétés, beaucoup sont allemandes. Le pays regroupe d’ailleurs cinq des 18 sites mondiaux produisant des carburants de synthèse.

Comme le souligne un article du quotidien français Les Échos, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) estime que « les e-carburants se caractérisent, tout au long de leur cycle de fabrication, par une empreinte carbone réduite d’au moins 70% par rapport aux carburants pétroliers ».

En outre, l’eFuel Alliance affirme « qu’à l’échelle de l’Union européenne, un mélange de seulement 5 % d’e-carburants avec du carburant conventionnel permettrait d’économiser 60 millions de tonnes de CO2, ce qui équivaut à retirer 40 millions de voitures de la circulation pendant une année entière ».

Les points noirs

Si les e-fuels ont sans l’ombre d’un doute un potentiel indéniable, cette nouvelle « technologie » a cependant un coût non négligeable. En l’occurrence, jusqu’à 7 euros pour un seul litre de carburant, contre moins de 2 euros pour un litre de diesel ou de sans-plomb actuellement. Selon les professionnels du secteur, il faudrait attendre l’horizon 2050 pour espérer voir des tarifs plus raisonnables (autour d’1 à 3 euros).

Autre élément, la comparaison électrique – synthétiques, en défaveur de ces derniers à en croire un rapport de 2021 de l’ONG Transport et Environnement estimant que « d’ici 2030, une voiture électrique émettra 53 % de moins de CO2 au cours de son cycle de vie qu’une voiture fonctionnant aux e-carburants ».

Enfin, cette même ONG alerte sur les capacités de production limitées qu’offrent les carburants de synthèse, du moins à ce stade de leur évolution. Ainsi, en 2035, les e-fuels pourraient alimenter jusqu’à cinq millions de véhicules. Problème, à cette date on devrait plutôt en compter autour de 300 millions dans l’Union européenne…

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