En droit luxembourgeois, c’est la loi modifiée du 2 août 2002 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, transposant la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil du 24 octobre 1995, qui fixe un cadre juridique général à cette pratique, de façon à garantir au mieux les libertés et les droits fondamentaux des personnes physiques.

Ainsi, selon l’article 2 (e) de la loi modifiée du 2 août 2002, les données personnelles se définissent comme suit :

«Toute information de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, concernant une personne identifiée ou identifiable («personne concernée»); une personne physique (…) est réputée identifiable si elle peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, culturelle, sociale ou économique» ;

Le même article de loi définit le traitement de ces données comme la technique utilisée pour enregistrer, conserver, adapter, modifier, extraire, consulter, utiliser ou encore diffuser de telles informations.

Par conséquent, le fait d’installer des caméras de surveillance au sein d’une entreprise constitue un moyen de traiter les données à caractère personnel des salariés.

En matière de droit du travail, cette question est expressément visée par le titre VI du Livre II du Code du Travail intitulé « Traitement de données à caractère personnel à des fins de surveillance des salariés sur le lieux de travail » .

Ainsi, selon l’article L-261-1 et suivants du Code du travail, l’employeur peut mettre en place un traitement des données personnelles à la seule condition qu’il soit nécessaire :

1) Pour les besoins de santé et de sécurité des salariés ;
2) Pour les besoins de protection des biens de l’entreprise ;
3) Pour le contrôle du processus de production portant uniquement sur les machines ;
4) Pour le contrôle temporaire de production ou des prestations du salarié, lorsqu’une telle mesure est le seul moyen pour déterminer le salaire exact ; 
5) Dans le cadre d’une organisation du travail selon l’horaire mobile.

Par conséquent, il est clair qu’un tel système de vidéo surveillance ne saurait être installé dans le seul but se surveiller en permanence les salariés travaillant dans l’entreprise.

A ce titre, il résulte d’une décision rendue par la Commission Nationale de l’Information et des Libertés française du 12 juillet 2013, qu’une société exploitant un centre commercial a été condamnée à une amende de 10.000.€- pour surveillance excessive de ses salariés, alors que 240 caméras avaient été installées dans le magasin, dont 60 au niveau des caisses, et les autres réparties entre les vestiaires, les toilettes, le cabinet médical et la salle de pause des salariés.

Par ailleurs, dans les hypothèses envisagées aux points 1,4 et 5 de l’article L-261-1 du Code du Travail, l’employeur doit toujours soumettre sa proposition au comité mixte d’entreprise qui dispose d’un pouvoir de décision.

Il a également une obligation d’information préalable à l’égard du salarié visé par la mesure, du comité mixte, ou à défaut, de la délégation du personnel, ou à défaut de l’inspection du travail et des mines ;

En outre, contrairement à l’idée que peuvent se faire de nombreuses personnes, le consentement de la personne visée ne rend pas légitime le traitement mis en œuvre par l’employeur.

Il faut donc dans un premier temps vérifier que le système visé correspond à un des 5 cas prévus par l’article L-261-1 du Code du travail et ensuite respecter la procédure d’information préalable.

Enfin, l’article L-261-2 du Code du Travail rappelle les sanctions pénales particulièrement sévères auxquelles s’expose l’employeur en cas de violation des dispositions légales relatives au traitement des données à caractère personnel, à savoir : une peine d’emprisonnement de 8 jours à un an et une amende de 251 à 125.000 €, ainsi que la cessation du traitement sous peine d’astreinte.

En outre, un employeur qui utilise les données personnelles de ses salariés ne pourra s’en servir dans le cadre d’une procédure disciplinaire ou de licenciement que si elles sont établies à des fins légitimes.

A ce sujet, un arrêt de la Cour d’Appel de Luxembourg rendu en date du 9 février 2006, n° 29 897 du rôle, a retenu comme moyen de preuve licite un enregistrement vidéo réalisé par un employeur dans les sous-sols de son entreprise afin de justifier le licenciement pour vol d’un de ses salariés.

Me Pascal Peuvrel
Avocat à la Cour
[email protected]

MeNatacha STELLA
Avocat à la Cour