Bien qu’assujetti à d’inévitables petits retards, le train part d’ordinaire à 7h13 de Thionville. A peine plus d’une demi-heure plus tard, s’il tient compte des cinq minutes à pied séparant la gare de son entreprise, Thierry entame sa journée de travail. « L’autoroute, c’est une misère noire, souffle-t-il, et puis le train est plus économique. J’ai une chance inouïe avec cette proximité gare-lieu de travail. Alors à quoi bon m’infliger des heures d’embouteillages ? ». Comme ses 81 000 compères français, Thierry a choisi l’exil voilà seize ans. Géomètre au sein d’une entreprise de travaux publics, il consulte un jour les petites annonces et obtient une réponse favorable d’un bureau d’études. « Et je ne le regrette toujours pas ! ».

« Je me fais plaisir ! »

Au menu de ses motivations, une tranche horaire dans le goût de celle pratiquée en Lorraine. « A l’époque, la France n’avait pas encore instauré les 35h donc rien n’a changé à ce niveau là ». En plat de résistance, une assiette financière évidemment plus alléchante, « même si ce n’est pas l’eldorado » tient-il à préciser. Et cerise sur le gâteau, les moyens alloués à ses projets dépassent ostensiblement ceux octroyés dans l’Hexagone. « Avec des budgets plus confortables et un niveau de qualité attendu supérieur, je prends plaisir à ce que je fais ! ».

Plaisir, un mot qui ne revient pas nécessairement dans la bouche de tous les frontaliers nationaux parmi lesquels, certains s’estiment stigmatisés par leurs collègues luxembourgeois. Très mauvais en langue, de son propre aveu, Thierry, qui baragouine quelques mots de luxembourgeois, ne déplore pourtant aucune complication dans son exercice quotidien. « J’ai beaucoup de contact avec l’extérieur. Je demande gentiment de correspondre en français durant mes entrevues et ça se passe très bien, précise-t-il avant de poursuivre, il y a une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est que nous sommes chez eux. Cela exige un minimum de courtoisie ».

Un retour sur investissement

Entouré de 40 collaborateurs dans sa société où règne à la fois mixité et convivialité, il loue le principe méritocratique prôné par sa direction. « Ce ne sont pas que les plus diplômés qui peuvent évoluer, le travail et l’investissement sont justement reconnus ». C’est ainsi qu’il a pris du galon depuis son arrivée, porte désormais la casquette de chef de projet et chapeaute les chantiers de A à Z. Et si les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées, les primes estivales servent de retour sur investissement.

A bientôt 49 ans, l’idée d’un retour au pays n’a jamais effleuré l’esprit de ce père de deux étudiants qui bénéficie en outre d’une modeste aide pour le financement des études. « Le système est moins avantageux qu’il y a deux ans, remarque-t-il, cela dit, en France, je reçois zéro. Alors je dis merci, voilà tout ! .