Le projet de la Sàrl simplifiée (Sàrl-S) prévoit un nouveau type de société à responsabilité limitée (Sàrl) pour laquelle les coûts à la constitution sont allégés, le processus d’établissement devient plus simple, rapide et efficace, et surtout l’exigence de capital social minimum de départ est supprimée, et ceci dans le but de stimuler l’esprit d’entreprise. Voir notre article sur le sujet : Créer une société à 1€ au Luxembourg ? 

Or, ce projet soulève de nombreuses inquiétudes de la part de la Chambre des Salariés.

Vers une multiplication des “faux-indépendants”

La principale crainte de la CSL concerne la possibilité d’utiliser la Sàrl-S pour créer des statuts communément désignés sous le terme de faux-indépendant en lieu et place du statut de salarié, ce qui permet à l’employeur de s’affranchir de la totalité des règles de droit du travail et de droit de la sécurité sociale.

La CSL explique que c’est in phénomène difficile à mesurer et donc encore plus difficile à contrer. C’est pour cela que la Chambre propose une ébauche de mécanisme alliant obligation d’information à la charge des gestionnaires de la société, obligation d’alerte de l’Inspection du travail et des mines (ITM) lorsque certaines caractéristiques ont été repérées par les autorités compétentes pour le contrôle de l’activité des sociétés, et enfin obligation à la charge de l’ITM de procéder à des contrôles le cas échéant.

Quelle viabilité pour une Sàrl-S ?

D’autre part, la CSL a des craintes concernant la viabilité de ce type de société.

Dans son avis, elle explique que l’obligation de constitution de réserves n’est en réalité pas plus exigeante que celle applicable aux Sàrl classiques (seul le montant cible varie), ceci constitue pourtant l’une des mesures phare censée compenser l’absence d’exigence en matière de capital social minimum.

Le capital social minimum est conçu comme la contrepartie de la responsabilité limitée, son montant avait d’ailleurs été augmenté afin de donner à cette forme de société une base financière plus sérieuse, de garantir sa solvabilité et éviter qu’elle ne serve trop facilement aux commerçants uniquement désireux d’échapper à leur responsabilité personnelle.

Le capital social en tant qu’élément de financement incontournable au démarrage de la société, même s’il ne constitue pas la panacée, n’en demeure pas moins un instrument de garantie pour les créanciers de la société (en particulier ses éventuels salariés), éventuellement liquidable en cas de faillite.

Le projet n’a rien prévu en matière de réduction de capital et de risques qu’une telle opération représente en termes de diminution des fonds de la société.

La Sàrl-S pourrait souffrir d’une mauvaise image auprès de ses créanciers potentiels, et notamment des banques.

Pour remédier à ce problème, les créanciers les plus avisés exigeront sans doute des garanties supplémentaires mais sur le patrimoine personnel des associés cette fois.

Le fait de supprimer l’exigence de capital social minimum a pour effet d’augmenter considérablement le risque de sous-capitalisation de la société, d’autant que les fondateurs de la société, pourtant a priori inexpérimentés, ne sont pas tenus d’élaborer un quelconque plan financier sous le contrôle d’un expert, de même aucune règle spécifique supplémentaire relative à la responsabilité des fondateurs de la société en cas de sous-capitalisation de celle-ci n’a été envisagée.

Les quelques garde-fous prévus par le projet pourraient en outre être remis en cause par l’effet de la concurrence qui naîtra entre la Sàrl-S et la future Societas Unius Personae (SUP), un nouveau type de société unipersonnelle à responsabilité limitée au régime juridique plus qu’allégé, discuté en ce moment même au niveau européen.

En conséquence, et pour toutes les raisons qui viennent d’être présentées, la Chambre des salariés marque son désaccord avec ce projet de loi.