Préservez votre horloge biologique

Ne plus avoir d’emploi du temps imposé, surtout quand on n’a pas accès au télétravail, expose à une certaine dérive des habitudes de vie : lever tardif le matin, horaires de repas aléatoires, siestes à répétition, séances de télévision ou de vidéo nocturnes, etc.

Si ces comportements rappellent les écarts que l’on peut s’accorder durant un week-end de récupération ou lors d’une semaine de vacances bien méritée, de telles journées anarchiques peuvent devenir problématiques si elles s’étendent sur une longue période.

Il existe en effet un lien assez direct entre les rythmes d’activité quotidienne et la régulation de l’humeur, probablement par l’intermédiaire de certains neurotransmetteurs comme la mélatonine.

Les horaires de sommeil, surtout, sont assez cruciaux sur le long terme pour éviter une fragilité dépressive.

Dans la mesure du possible, il est donc important d’essayer de conserver des heures de coucher et de lever assez stables, proches des horaires classiques et garantissant une durée de sommeil conforme aux besoins.

Cherchez la lumière

Le manque de lumière peut augmenter le risque d’altération de l’humeur, comme c’est le cas dans certaines dépressions dites saisonnières ou hivernales.

Les variations de luminosité au cours des 24 h que dure une journée aident l’horloge biologique à se synchroniser, et agissent favorablement, via les cellules de la rétine, sur la mélatonine et la sérotonine, deux hormones qui jouent un rôle dans la lutte contre la dépression.

L’idéal est de s’exposer à une intensité lumineuse assez forte pendant au moins une demi-heure voire une heure en début de matinée.

À défaut, il est possible de se positionner à proximité d’une fenêtre pendant une durée suffisante le matin, voire d’utiliser les lampes de « luminothérapie » si on en dispose.

Soignez le contenu de votre assiette

On le sait maintenant, la nutrition participe de manière non négligeable au bon fonctionnement cérébral et ainsi à l’équilibre émotionnel et de l’humeur.

Sans rentrer dans le détail, encore assez discutable, à propos d’éventuelles vitamines ou nutriments susceptibles d’avoir des effets antidépresseurs, l’objectif le plus important est de se rapprocher d’une alimentation la plus saine et la plus diversifiée possible.

En effet, les excès de calories, de sucres et de gras (et surtout les fameuses graisses « saturées » présentes dans la plupart des viandes rouges et des corps gras classiques) favorisent le développement d’une inflammation durable dans l’ensemble de l’organisme, délétère pour le métabolisme cérébral.

De même, une alimentation non équilibrée expose à des carences en vitamines et sels minéraux essentiels pour le corps et le cerveau.

Profitez donc de la période de confinement pour faire la cuisine avec des produits frais et en évitant les plats déjà préparés, trop riches en calories et en sel. Il s’agit au passage d’une occupation plutôt agréable et créative, qui peut être réalisée avec les autres membres de la famille. Bien sûr, cela nécessite de faire des courses assez fréquemment pour se ravitailler notamment en fruits et légumes frais.

Une vigilance particulière doit être portée par ailleurs à sa consommation d’alcool, de tabac et d’autres substances nocives, qui augmentent le risque de dépression et dont la consommation peut déraper en période d’isolement et d’inactivité…

Bougez quand même…

Un autre aspect physiologique qui joue un rôle important dans la protection contre la dépression : l’activité physique.

Il a été prouvé qu’une activité régulière et relativement soutenue réduit les risques, voire même permet de soigner efficacement des dépressions légères. Là aussi, cet effet passe probablement par la sécrétion de substances bénéfiquespour les neurones impliqués dans les fonctions cognitives et émotionnelles.

Il existe beaucoup de tutoriels et de sites pour suivre des programmes d’activités physiques à faire chez soi, et les sorties brèves pour courir restent autorisées.

Au moins une demi-heure de ce mini-sport par jour est une bonne base.

Donnez du sens à l’expérience vécue

Le confinement et la pandémie constituent une véritable épreuve, comme les humains en traversent quasiment tous dans leur vie, une fois ou plus souvent.

Toutes catastrophes ou tout stress intenses peuvent fragiliser voire traumatiser psychiquement, d’autant plus fortement qu’ils sont vécus dans l’incompréhension et sans clé d’analyse sociale, philosophique, voire spirituelle.

La crise actuelle provient d’une épidémie comme l’espèce humaine en a traversé des milliers dans son histoire, et nous rappelle que nous ne sommes pas surpuissants face aux forces de la nature, même les plus microscopiques comme ce coronavirus.

Il sera temps, une fois la vague passée, de réfléchir aux conséquences de ce rappel au réel, souvent dénié par la société de l’hypersécurité et de l’hyperconfort à laquelle nous avons cru pouvoir nous habituer depuis quelques décennies, au moins dans nos pays occidentaux.

Mais, dans l’immédiat, donner du sens aux efforts longs et douloureux à fournir ne peut apporter que plus de résistance, pour ne pas dire plus de sérénité.

Ce rappel doit être constant pour faire face au découragement et au sentiment d’absurdité qui peut nous envahir de temps à autre.

Gardez le contact

Dans la même idée, le vécu collectif, voire fraternel, de la crise est une des clés essentielles pour la traverser au mieux.

Certes, le sentiment de solitude n’est pas le même pour tout le monde, et nous voyons même en ce moment des patients souffrant habituellement de phobie sociale ou d’agoraphobie qui vivent plutôt bien la situation de confinement !

Mais les échanges sociaux et affectifs demeurent un des besoins humains les plus essentiels, comme la respiration et l’alimentation. Et l’isolement social est un des facteurs de risque de la dépression.

Il est donc essentiel de garder des liens, au moins téléphoniques ou numériques, avec ses proches, au travers d’appels réguliers, surtout si vous vivez seul.

Cette démarche est facilitée par le fait que la situation exceptionnelle que nous connaissons est la même pour tout le monde en même temps, et cela dans le monde entier.

Aucune difficulté donc à appeler vos grands-parents, vos collègues ou vos amis, même ceux que vous n’avez pas vus depuis 20 ans, pas besoin de trouver de faux prétextes. Cette occasion (espérons-le) ne se représentera peut-être jamais !

Pensez à vous faire aider si nécessaire

Même pendant la pandémie, de nombreux professionnels de santé, médecins, psychiatres ou psychologues, poursuivent leur activité, notamment en télémédecine.

Des dispositifs ont même spécifiquement été mis en place, par téléphone ou téléconsultation, pour répondre à ce type de besoin dont on sait qu’il va être important.

Ainsi, si vous sentez que vous risquez de « craquer », si votre sommeil ou votre appétit se dérèglent durablement, si vous êtes angoissé ou très triste une grande partie du temps, avec des idées sombres voire suicidaires, n’hésitez pas à contacter votre médecin traitant, un autre thérapeute qui vous connaîtrait déjà, ou sinon un des dispositifs d’écoute spécifiques.

Source

Antoine Pelissolo, Professeur de psychiatrie, Inserm, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)

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