Pas question pour Olivier Jacquin de venir gratter à la porte du gouvernement luxembourgeois pour exiger une contribution à la hauteur de ce que les 115.000 frontaliers français apportent au développement du Grand-Duché. « Même si je le regrette, il faut bien admettre que la demande d’une compensation des recettes fiscales (du Luxembourg vers la France) ne trouve aucun écho favorable. Pire, cette réclamation répétée depuis des années finit par occasionner des tensions entre nos deux pays », admet le sénateur socialiste.

N’empêche, dans le Nord de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, les villes et communautés de communes apprécieraient de pouvoir bénéficier d’un peu de cette “richesse” qui leur file entre les doigts. « Évidemment que le Luxembourg est un voisin exceptionnel pour nos territoires. Mais quand, par exemple, toutes les entreprises préfèrent s’implanter (au moins administrativement) au Grand-Duché plutôt qu’en France, ce sont des taxes perçues en moins pour nos collectivités… »

Et si le Nord lorrain perçoit moins de recettes fiscales au vu du nombre d’habitants, il lui reste pour autant les mêmes services à offrir à sa population. Ces crèches, écoles, équipements sportifs, culturels, routes qui profitent tout autant aux frontaliers qu’aux familles qui vivent ou travaillent côté français. D’où l’idée d’Olivier Jacquin de réclamer désormais à Paris de contrebalancer le manque-à-gagner.

Expérimentation d’abord ?

Il en a soumis l’idée à la Première ministre française, Elisabeth Borne et le parlementaire vient de déposer une proposition de résolution au Sénat. « Je demande la création d’une dotation de compensation frontalière (DCF) qui mettrait un terme aux distorsions de concurrence entre la France et le Luxembourg

Ainsi, ce serait bien à l’Etat français de redistribuer plusieurs dizaines de millions d’euros aux communes du secteur, au prorata du nombre de salariés frontaliers qu’elles abritent. Combien exactement ? Là, le chiffrage reste à peaufiner… « Disons entre 23 et 55 M €, selon les critères retenus », jauge le parlementaire.

Mais au-delà de la situation particulière du bassin franco-luxembourgeois qui pourrait expérimenter cette DCF, Olivier Jacquin estime que la mesure pourrait être étendue à l’ensemble des territoires frontaliers de l’Hexagone.

En effet, la France a cette particularité d’avoir un écart prononcé entre le nombre de travailleurs frontaliers sortant pour aller travailler quotidiennement dans un pays limitrophe (près de 500.000 salariés) contre ceux qui viennent de l’étranger pour travailler en France (30.000). Il faudrait donc voir dans quelle mesure la “richesse” créée chez le voisin (belge, luxembourgeois, suisse, italien, monégasque, espagnol, etc) peut être compensée du côté français « non plus au cas par cas, mais bien à l’échelle d’un statut national ».

Plus de main tendue vers le Grand-Duché alors ? « Si quand même, sourit l’élu. Il faut rester partenaire sur nos projets de codéveloppement notamment sur les projets de mobilité. J’ai fait une démarche en ce sens sur un cofinancement des travaux de  l’A31bis; elle a été repoussée mais d’autres dossiers avancent grâce à l’esprit d’ouverture des politiques luxembourgeois. Mais si, comme l’assurent les études, nous passons de 115.000 lorrains travaillant au Luxembourg aujourd’hui à 190.000 d’ici 2040, il faudra bien que les deux partenaires fassent plus d’efforts pour soutenir le quotidien de ces gens-là comme de celles et ceux qui vivront aux portes du Luxembourg. Ce dernier doit être pensé comme un Etat autonome dans ses choix, certes, mais aussi comme la 3e métropole de Lorraine ! »

 

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