Voici la situation : le salarié est absent de son entreprise pour X raisons, son absence étant protégé contre le licenciement aux yeux de la loi (avertissement le premier jour et communication du certificat de maladie dès le troisième jour, cf : http://www.lesfrontaliers.lu/article/242735/chronique-juridique/votre-maladie-et-votre-certificat-m-dical).

Son employeur émet cependant des doutes sur la réalité de la maladie de son salarié et que non seulement il effectue des sorties alors que son certificat le lui interdit mais qu’en plus il a eu vent de ce que ce dernier travaillait pour le compte d’un autre employeur, ou pire pour son propre compte.

Se pose la question de savoir si le recours au détective privé est parfaitement valable en pareille circonstance afin de licencier son salarié pour faute grave.

La position luxembourgeoise :

La position de la jurisprudence luxembourgeoise est en la matière extrêmement permissive.

Extraits d’un arrêt du 18 janvier 2007, n°29981 du rôle :

« rappelant que la Convention Européenne des Droits de l’Homme en son article 8 énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », le défendeur fait plaider que la filature par un détective privé constitue une atteinte à la vie privée et que les dépositions du détective en question sont à rejeter des débats ».

L’avocat du salarié ajoutait encore et à juste titre que l’employeur disposait de la possibilité de faire procéder à un contrôle par le médecin du Centre commun pour vérifier que le salarié était présent ou non à son domicile durant sa période d’incapacité (cf : http://www.lesfrontaliers.lu/chronique-juridique/controle-medical-et-licenciement).

La Cour précise que les observations du détective ont eu lieu en pleine rue à des endroits où l’employeur aurait pu les faire lui-même, les faits ne se rapportant pas la vie privée du salarié.

La Cour va retenir que le fait de rejeter le témoignage du détective en pareilles circonstances reviendrait à dénaturer systématiquement la convention des Droits de l’Homme en faveur des contractants de mauvaise foi qui échapperaient à tout constat de leur faute.

Critiques de la position luxembourgeoise et position de la jurisprudence française :

Le raisonnement est tiré par les cheveux. Surveiller quelqu’un à son insu en n’importe quel lieu et une violation de sa vie privée. Cela ne dénature rien et ne prête à aucune autre discussion. Précisons tout de même que dans cette affaire aucune plainte n’avait été déposée au pénal pour violation de la vie privée.

La position française est ferme à ce sujet. Citons pour exemple le dernier article de Maître Éric ROCHEBLAVE (http://rocheblave.com/avocats/filature-detective/) :

« Le 10 juin 2014, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Nîmes a jugé illicite le constat d’huissier de justice établi suite à la filature du concierge par le détective privé.

De même, la Cour d’appel de Nîmes a jugé que, ne peut être accueilli comme élément de preuve un procès-verbal établi par un huissier de justice qui procède à l’interrogatoire du salarié et qui poursuit ses investigations dans un lieu privé.

De même, la Cour d’appel de Nîmes a jugé que, la preuve des griefs résultant du rapport d’un détective privé dont le salarié n’avait pas été averti de la présence, est illicite.

Enfin, la Cour d’appel de Nîmes a jugé que, l’employeur a motivé le licenciement du concierge par le fait que celui-ci trompait son « employeur sur [son] état de santé et [le] privait indûment [ses] services pour le compte du syndicat des copropriétaires ».

Pour la Cour d’appel de Nîmes, l’inobservation par le salarié de ses obligations à l’égard de la sécurité sociale ne peut justifier un licenciement, et l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.

En l’espèce, d’une part le contrat de travail était alors bien suspendu, d’autre part, l’employeur n’a justifié d’aucun préjudice. En effet, le concierge n’a pas trompé son employeur sur son état de santé qui était justifié par des certificats médicaux prescrivant un arrêt de travail, l’employeur disposant de la faculté de faire effectuer des contrôles par les services de la Caisse primaire d’assurance maladie, ces arrêts de travail constituaient une légitime raison de la privation de ses services au profit de la copropriété.

Enfin, le procès-verbal d’huissier ne précisait pas l’heure des constatations de sorte que l’on ne pouvait pas déterminer si le concierge aurait dû se tenir à la disposition de son employeur à ce moment-là étant précisé qu’il bénéficiait de « sorties libres » sans contraintes d’horaires.

Il en résulte que le licenciement prononcé à l’encontre du concierge était dénué de cause réelle et sérieuse. »


Maître David GIABBANI 
www.maitregiabbani.com