A l’origine, le harcèlement moral au Luxembourg est encadré et défini par la Convention du 25 juin 2009 signé entre les différents partenaires sociaux et déclarée d’obligation générale par le règlement Grand-Ducal du 15 décembre 2009. Il s’agit du premier texte donnant une définition claire et précise de cette notion et prévoyant des mesures de préventions et de gestion incombant à l’employeur. Fondée sur une logique de prévention et non pas de répression, ce texte n’a pas de réelle force contraignante dans la mesure où aucune sanction ou moyen de recours n’y sont mentionnés.

C’est en date du 9 mars 2023 que le projet de loi n°7864 a enfin été adopté afin de mettre en œuvre un dispositif relatif à la protection contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail. Établi sur une volonté de renforcement de la lutte contre le harcèlement moral, le Projet de loi prévoit de nombreuses obligations à charge de l’employeur, des sanctions ainsi qu’une protection accrue des salariés.

Par cette adoption, ce texte vient combler un vide juridique existant de façon inexpliquée depuis de nombreuses années et permet de se conformer au droit de nombreux États membres de l’Union européenne, notamment la France, l’Allemagne et la Belgique.

Quelles sont les nouveautés apportées par le Projet de loi ?

Projet de loi n°7864 en vue d’introduire un dispositif relatif à la protection contre le harcèlement moral dans le cadre des relations de travail.

  1. Une approche élargie de la définition de harcèlement moral

Le Projet de loi apporte une nouvelle définition du harcèlement moral en ce qu’il s’agit de ” tout comportement ou acte, ainsi que toute conduite qui, par sa répétition ou sa systématisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique et physique d’une personne… “.

Cette définition, largement inspirée de celle prévue par la Convention du 25 juin 2009, apporte une approche plus large de la notion. Ainsi, les actes de harcèlement moral ne se limitent pas aux « personnes relevant de l’entreprise », de sorte que les tiers (les fournisseurs, les clients, les prestataires de services…) seront également concernés. De même que cette définition s’applique aussi bien aux actes commis dans l’entreprise qu’en dehors du temps de travail normal (voyages professionnels, formations professionnelles).

De plus, le mot « salarié » comprend non seulement les salariés au terme stricto sensu mais également les stagiaires, les apprentis et les élèves ou étudiants.

  1. Des moyens de recours offerts aux salariés et une protection spécifique

La saisine de l’Inspection du Travail et des Mines

Une possibilité de saisir l’Inspection du Travail et des Mines (ITM) et ouverte au salarié, mais également à la délégation du personnel lorsque l’employeur ne met pas en œuvre des mesures de prévention ou que le harcèlement subsiste après la mise en œuvre de telles mesures.

Ainsi, dans le cadre de cette procédure l’ITM peut entendre le salarié, ou plusieurs, s’estimant victime de harcèlement moral ainsi que l’employeur ou son représentant. Un rapport contenant des recommandations et des propositions de mesures ainsi qu’une injonction seront adressées à l’employeur pour faire cesser tout acte de harcèlement. À défaut d’exécution, le Directeur de l’ITM pourra lui infliger une amende administrative pouvant aller jusqu’à 25.000 euros.

Protection contre les actes de représailles

Il est prévu que le salarié ne peut faire l’objet de représailles et que tout licenciement intervenu en raison de ses protestations et refus opposés sera sanctionné par la nullité. Dans ce cas, le salarié pourra saisir le Président de la juridiction du travail afin de faire constater la nullité du licenciement intervenu et d’ordonner son maintien ou réintégration dans l’entreprise. Toutefois, une difficulté pourrait se présenter au salarié étant donné qu’il devra apporter la preuve des actes de harcèlement moral subis, ce qui est, dans la pratique, assez difficile. Aucun renversement de la charge de la preuve n’est donc prévu, contrairement à ce qui était attendu. Il pourra également agir en résiliation abusive du contrat de travail avec une double demande de dommages et intérêts au titre de la résiliation abusive du contrat et du harcèlement moral.

Démission sans préavis pour faute grave de l’employeur

Le salarié peut refuser de poursuivre l’exécution de son contrat de travail et le résilier pour faute grave de l’employeur avec demande de dommages et intérêts à sa charge en cas de harcèlement avéré. Néanmoins, cette action n’est pas une nouveauté majeure puisque le salarié a déjà la possibilité de le faire en l’état actuel du droit.

  1. De nouvelles obligations à la charge de l’employeur et des possibles sanctions

Une série d’obligations, prévue au futur article L.246-3, sera à la charge de l’employeur en cas de survenance d’actes de harcèlement moral, dont la mise en place d’une procédure d’évaluation interne des mesures de prévention et d’une mise en œuvre éventuelle de nouvelles mesures lorsque celles existantes sont inefficaces.

Une double sanction pourra être à la charge de l’employeur en cas d’inaction de sa part suite à l’injonction de l’ITM et en cas de non-respect de ses obligations. La sanction administrative pouvant aller jusque 25.000 euros et la sanction pénale de 251 à 2.500 euros, qui sera doublée en cas de récidive.


Rédactionnel signé

Me Pascal PEUVREL                                                                     Léa CILAS

Avocat à la Cour                                                                               Juriste

JURISLUX SARL

[email protected]

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