Il fallait bien qu’un jour la question soit posée : les salariés en présentiel ou distanciel doivent-ils être payés de la même façon ? Maintenant que les deux pratiques sont entrées dans le quotidien des entreprises luxembourgeoises, l’interrogation peut être posée. Et Norberto Dias Abreu ne s’en est pas privé en déposant une pétition publique sur le sujet.

Selon lui, « la reconnaissance et la compensation équitable des travailleurs non-télétravailleurs sont une question de justice et de respect ». Et d’argumenter son appel à une meilleure prise en compte de cette partie de la population active en disant : « Ces travailleurs sont souvent confrontés à des conditions de travail difficiles et à des temps de trajet prolongés, ce qui peut avoir un impact négatif sur leur qualité de vie ».

Aujourd’hui, la possibilité du home-office peut ainsi être perçu comme un avantage aux yeux de ceux qui ne peuvent le pratiquer. On imagine mal un ouvrier sur une chantier, un boulanger, une vendeuse de magasin ou un personnel soignant rester à la maison pour prester ces heures. A lui donc les déplacements, l’éventuel inconfort ou difficultés de la tâche quand certains de ses collègues, affectés à d’autres missions, restent à la maison, “sagement” installés devant leur ordinateur et avec un “retour immédiat” à leur vie privée ensuite.

Avantage ou non ?

Aussi, le pétitionnaire entend que le temps de travail en présentiel soit « compensé en heures supplémentaires ou en heures de congé, ou en une compensation monétaire équivalente, afin de reconnaître leurs efforts et leurs sacrifices en faveur de leur entreprise et de la communauté dans son ensemble ».

Pour l’heure, dans le débat public, jamais cette « compensation équitable » (pour reprendre les termes de M. Dias Abreu) n’a été évoquée. Et, sans parler d’embarras, c’est avec circonspection que le sujet est abordé côté syndical. Ainsi pour le président du LCGB, Patrick Dury, « la priorité pour nous, alors que le télétravail explosait, a été de bien inscrire dans les textes que cette modalité devait être basé sur le volontariat et non de la contrainte. Employeur comme salarié devant se montrer intéressé pour que le télétravail puisse être mis en place ».


Mais quid d'un bonus (en euros ou en temps de repos) ? « A la vérité, ce n'est pas une exigence qui nous est remontée de la base... Le présentiel était la norme jusqu'alors et ça ne soulevait pas cette question de "prime". A mes yeux, poursuit Patrick Dury, le télétravail n'est d'ailleurs pas un avantage accordé mais juste une nouvelle organisation du travail. Maintenant si un clivage devait naître entre salariés en présentiel et ceux en distanciel, il faudrait d'abord que les entreprises gèrent le sujet en interne. Si la question prend de l'ampleur, le LCGB s'emparera du dossier à son tour évidemment. »

Côté OGBL, la présidente Nora Back reconnait être, elle aussi, circonspecte sur cette pétition. « Elle révèle tout de même un sentiment auquel il faut être attentif : les actifs qui doivent ou ne souhaitent pas quitter leur poste en présentiel ne sentent pas victimes d'une injustice. »

Quant à la question d'un bonus à accorder aux personnels en présentiel, la responsable reconnaît que ses instances ne s'y sont pas penché. « Nous l'avions évoqué en pleine pandémie, avec les salariés de "1ère ligne" qui étaient contraints d'aller au travail quand on autorisait les autres à rester à la maison. Ces personnels de la grande distribution, ces soignants, ces pompistes, ces salariés de ce que l'on avait nommé "les secteurs essentiels" méritaient une reconnaissance.» Depuis, la pression est quelque peu retombée. « Mais si des secteurs le réclament, il faudra s'en préoccuper.»

La sous-commission "Télétravail" créée à la Chambre des députés pourrait elle aussi se pencher sur le sujet. A charge pour les parlementaires, notamment, de voir si la possibilité cette possible prime au présentiel ne "risquerait" pas d'entraîner un mouvement contraire de retour au bureau ou à l'entreprise de salariés. Avec l'inconvénient, notamment, de remettre encore plus de monde sur la route ou dans les transports en commun...

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