C’est une décision qui pourrait bien créer un précédent, et pourquoi pas faire jurisprudence. Dans un arrêt rendu au début du mois de novembre, la Cour de cassation de Paris a annulé en partie le licenciement d’un cadre à qui son ancien employeur reprochait de ne pas adhérer à la culture « fun and pro » en vigueur dans la société.

Rappel des faits

Monsieur T., tel que la Cour l’a nommé, intègre ce cabinet parisien de conseil et de formation, spécialisé dans le médico-social, comme consultant senior en février 2011. Il est promu directeur trois ans plus tard, en février 2014.

Jusque-là, aucune ombre au tableau. Oui mais voilà : Monsieur T. n’est pas l’élément le plus boute-en-train de l’entreprise, loin de là même. À son « manque d’écoute, sa rigidité et même son ton parfois cassant et démotivant vis-à-vis de ses subordonnées », tels que rappelés par la juridiction parisienne, son ancien employeur lui reproche plus que tout de ne pas adhérer à l’esprit « fun and pro » en place dans le cabinet (l’expression officiellement employée dans ce dernier).

Refus de plus en plus systématiques de participer aux séminaires avec les collègues, refus de prendre part aux apéros « after work » organisés chaque semaine : c’en est trop pour sa hiérarchie qui fait le choix de le licencier, officiellement pour « insuffisance professionnelle » en mars 2015. Une décision qui met vent debout le consultant, qui porte alors l’affaire devant les Prud’hommes…

Le droit à sa liberté d’opinion et d’expression

Sept ans et plusieurs décisions de justice plus tard, une partie de l’épilogue s’est donc joué le 9 novembre dernier, avec ce jugement favorable de la Cour de cassation pour Monsieur T. qui refusait d’adhérer à cette culture « fun and pro ».

Il faut dire que le côté « fun » supposait « la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive », comme rappelé par l’arrêt de la Cour. Peu avare en détails, celle-ci parle, entre autres, de « brimades (…) de pratiques humiliantes et intrusives dans la vie privée comme l’obligation de partager son lit avec un collaborateur lors des séminaires, l’usage dans les bureaux de photos déformées et maquillées ou encore l’usage de sobriquets pour désigner les personnes ».

Le refus de Monsieur T. de participer à ces sauteries d’un goût douteux, en assumant pleinement de ne pas partager les « valeurs » de l’entreprise, ont donc fini par entraîner son licenciement. Un licenciement dont les magistrats parisiens ont prononcé la nullité partielle, considérant qu’il intervenait principalement « en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’opinion et d’expression ».

Et l’histoire pourrait bien ne pas s’arrêter là puisque Monsieur T., conforté par cet arrêt en sa faveur de la Cour de cassation, réclame aujourd’hui plus de 400 000 euros à son ancien employeur pour le dédommagement du licenciement.

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