Les week-ends, ils ne connaissent pas. Parfois, ils se croisent. Mais c’est « Bonjour, au revoir », fin de la discussion. « Cela ne me pose pas de problème, j’ai été habituée comme ça, relativise Juliette, c’est aussi le cas dans d’autres métiers ». A la maison, lui tourne aux trois-huit et elle est postée. « J’y ai toujours trouvé mon compte depuis mon arrivée ici ».

A l’époque, elle et son ex-compagnon viennent de bâtir et s’apprêtent à accueillir un nouveau venu. Mais en France, ses émoluments ne lui permettent plus d’assumer la situation. « Il faut que j’y aille », décide-t-elle, déterminée.

Juliette s’adonne dès lors au feuilletage des journaux locaux en guise de rituel quotidien. Un beau matin, alors qu’elle épluche les petites annonces, elle saisit l’opportunité et candidate.

D’abord employée dans une grande surface, elle postule ensuite dans une station-service à deux pas de la capitale. « Je n’en pouvais plus de la route », se rappelle celle qui parcourait près de cent kilomètres chaque jour. Elle puisait alors sa motivation en pensant à ses impératifs financiers et au salaire minimum qu’elle touchait, plus élevé qu’au pays. « A présent je me suis rapprochée du domicile en réduisant la distance de moitié ». Et puis, « nous avons la chance d’avoir le Luxembourg juste à côté, il faut être prêt à quelques sacrifices ».

« Ils ne connaissent même pas la langue du pays »

Dix-sept années plus tard, proche de la retraite, rebrousser chemin est impensable. Rien n’est à jeter pour la commerçante qui s’est fondue dans le paysage grand-ducal.

Forte de son apprentissage de l’allemand à l’école, elle décode efficacement le dialecte local. « Eux m’interpellent en luxembourgeois et moi je leur réponds en allemand, s’amuse la travailleuse limitrophe, les gens apprécient cela ». Cette adaptation lui permet de se sociabiliser, « de connaître les petites mamies du quartier », contrairement à quelques-unes de ses collègues qui ne maîtrisent que leur langue maternelle. « Les clients se disent en luxembourgeois, “ils ne connaissent même pas la langue du pays”, témoigne Juliette, et ils ont raison ».

En revanche, la bilingue souligne aussi volontiers que ses compatriotes fournissent davantage d’efforts que ses homologues germaniques. « C’est assez énervant de supporter cet air un peu hautain qu’ils arborent ».

Outre son intégration soignée, elle jouit d’une mentalité professionnelle qui lui sied parfaitement. Plus regardants sur les performances que sur la garde-robe « même si cela ne veut pas dire qu’on est négligés », ses supérieurs successifs lui ont toujours donné satisfaction. Et inversement. Et dire que c’est bientôt la fin !