Si le lien peut ne pas paraître évident de prime abord, il a pourtant semblé limpide aux experts médicaux qui se sont penchés sur la situation d’Isabelle*, ceux-ci ayant déclaré en janvier dernier son cancer du sein diagnostiqué en 2009 comme une maladie professionnelle.

Près de 900 nuits de travail

Entrée en 1981 comme infirmière au centre hospitalier de Sarreguemines en Moselle, d’abord dans le service de radiologie puis en gynécologie, Isabelle quittera l’établissement de santé 28 ans plus tard, en 2009.

Pendant cette période de presque trente ans, et en fonction des plannings, elle a régulièrement travaillé de nuit, une fois par semaine en moyenne, soit tout de même 873 nuits de travail nocturnes au total.

Un rythme et des cycles pas toujours évidents à suivre mais qui auront néanmoins façonné les semaines de la Mosellane près de trois décennies durant. Toutefois, son aventure professionnelle à l’hôpital de Sarreguemines s’arrête soudainement en 2009, lorsqu’on lui diagnostique un cancer du sein à seulement 48 ans.

Un lien suspecté depuis longtemps

Ces si nombreuses années à effectuer ses heures de travail la nuit auraient-elles concouru plus ou moins directement à déclencher chez Isabelle son cancer du sein ? C’est en tout cas la conviction de l’infirmière qui se lança en 2020, soutenue par le syndicat CFDT-mineurs de Freyming-Merlebach, dans un long combat administratif pour faire officiellement établir ce lien.

Il faut dire que depuis plusieurs années déjà, le travail de nuit était suspecté par bon nombre de chercheurs de jouer un rôle non-négligeable dans le développement d’une pathologie de type cancer.

En ce sens, le quotidien français Libération rappelle dans un article que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait classé en 2010 la perturbation du cycle « circadien » (en quelque sorte le rythme biologique), qui est causé par le travail de nuit, comme « potentiellement cancérigène ». Même constat pour l’Inserm (l’Institut national de la recherche et de la santé médicale) qui affirmait dans une étude de 2012 que le risque de cancer du sein était « 30 % plus élevé chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres ».

Nuit et mélatonine ne font pas bon ménage

Concrètement, travailler de nuit suppose devoir rester en éveil et même en pleine activité à un moment où le corps est habitué à se reposer ; le tout en étant souvent exposé à de fortes lumières artificielles.

À la longue (avec moins de trois nuits par semaine ou à partir de quatre ans de travail de nuit, d’après l’Inserm), l’horloge interne se perturbe, ce qui a entre autres comme conséquence une diminution de la sécrétion naturelle de mélatonine dans le corps. Or, depuis plusieurs décennies, les chercheurs savent que cette hormone, qui est justement sécrétée de nuit, freine la croissance des tumeurs cancéreuses.

Cité par Le Parisien, le rapport d’un des médecins experts ayant eu à statuer sur le cas de l’infirmière mosellane est formel : « On peut affirmer qu’il existe un lien direct et essentiel entre le cancer du sein dont elle est victime et le travail effectué auparavant. »

La décision récente de ces experts risque bien de faire jurisprudence, d’autant que le cancer du sein reste le plus meurtrier chez les femmes dans le monde d’après les derniers chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Au Luxembourg, il est celui touchant le plus les femmes de 50 à 70 ans, représentant environ 16 % des cancers dont elles souffrent. En 2021, sur 480 décès par cancer au Grand-Duché, 89 ont été entraînés par un cancer du sein.

*Isabelle est un prénom d’emprunt.

Retrouvez-nous sur Instagram :