« Nous avons atteint un stade où nous n’aurions jamais voulu arriver… » Et pourtant, pas faute pour la Fédération des artisans luxembourgeois (FDA) d’avoir tiré la sonnette d’alarme suffisamment tôt. En décembre 2022 déjà, ses représentants pointaient les dangers qui menaçaient le secteur de la construction. 2023 aura -hélas- confirmé les craintes. Les taux d’intérêt élevés et la flambée des coûts auront eu raison d’un marché jusqu’alors en pleine expansion.

Résultat : près de 1.300 emplois ont été perdus dans cette seule branche en une année et 51% des entreprises du secteur n’ont aucune visibilité de leur plan de charge au-delà du premier trimestre 2024. Rien de bien rassurant alors que la “trêve hivernale” s’achevant, des milliers d’ouvriers s’apprêtent à retrouver les chantiers… « Alors, actions maintenant ! », s’égosille Patrick Koehen au nom de la FDA.

Aujourd’hui, la crise est bien là. Engluant dans l’incertitude du lendemain des milliers de professionnels, de l’architecte à l’électricien en passant par les loueurs de matériels ou les agents immobiliers. « Dans son accord de coalition, le nouveau gouvernement a donné des pistes. Maintenant, il faut l’électrochoc des premières mesures temporaires pour relancer le marché », presse la Fédération.

Boosters et amortisseurs

La 1ère urgence consisterait à vite relever le taux d’amortissement accéléré, histoire de favoriser les investissements dans le locatif. La 2e priorité pourrait être d’abolir les frais d’enregistrement de 7% sur la quote-part de la construction déjà réalisée (pour les achats de biens en voie d’achèvement), cela afin d’orienter les acheteurs vers des projets en cours et demandant d’être soutenus.

Au vu du péril, la Fédération des artisans espère aussi que le gouvernement va rapidement se rapprocher de l’Europe.  L’idée étant de négocier avec Bruxelles la réintroduction d’un taux de TVA réduit pour la construction de logements locatifs neufs et l’augmentation du montant de la faveur fiscale (plafond) en matière de la TVA-logement. « L’application de ces mesures pour une période temporaire de 12 mois serait un bon booster ! », juge Patrick Koehnen.

Le soutien du secteur passera aussi inévitablement par des commandes publiques plus importantes. « On a un pied dans le vide actuellement. Mais si l’État et les communes du pays anticipent certains des investissements prévus cela nous permettrait de franchir le fossé.»

Et Patrick Koehnen de saluer déjà les gestes annoncés ici par le ministère du Logement (69 millions d’euros débloqués pour sauver 5 projets immobiliers en péril), là par la Ville de Luxembourg (achat de 240 logements acté). « L’État devrait toutefois rapidement décider d’un futur programme de rachat de projets privés pour le logement abordable. »

Creux de la vague

Seulement, il en faut plus et, au moins de la part des administrations nationales, certaines annonces de “grands chantiers” ne devraient plus tarder. Les professionnels du bâtiment espèrent aussi que les bourgmestres seront sensibles à leur appel et avanceront certains projets de rénovation énergétique de bâtiments communaux et profiteront plus des aides étatiques supplémentaires pour la construction de crèches, maison relais, maisons de jeunes, etc. « Tout sera bon ! »

En attendant ces boosters, il faut aussi penser aux… amortisseurs. Ces “parachutes” qui éviteront le crash d’un secteur qui sait que, demain (quand ?) sera plein de nouvelles opportunités. « Quand la reprise viendra, il faudra que nos entreprises soient en mesure de répondre. En termes de quantité de logements à fournier et de qualité pour répondre aux normes, et pour cela il nous faudra toutes les compétences actuelles de nos 55.000 salariés .»

Pas question donc que de possibles licenciements à venir privent les entrepreneurs de cette main d’œuvre qualifiée. « C’est pourquoi nous plaidons pour un Plan de maintien sectoriel de l’emploi. Un dispositif identique pour toutes les sociétés en difficulté qui permettrait de conserver le plus de monde possible en attendant que soit passé le creux de la vague. Et cela sans la possible distorsion de concurrence qu’entraîneraient des plans négociés entreprise par entreprise », souligne la FDA.

Les ministres du Travail et de l’Économie sont du même avis. Mais Lex Delles (DP) et Georges Mischo (CSV) ont fait savoir aux partenaires sociaux qu’ils aimeraient que patronat, OGBL et LCGB s’entendent sur cette mesure avant sa généralisation. Ce n’était pas gagné lors d’une réunion organisée en décembre dernier, janvier verra-t-il les positions changer ? Réponse imminente…

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