Le marché du travail luxembourgeois a cette particularité que la moitié des emplois sont “télétravaillables”. Un niveau très élevé. Et une récente pétition publique a soulevé la question de fixer à deux jours hebdomadaires la capacité pour tous les salariés du Grand-Duché à pratiquer leur mission à distance. Une suggestion qui a été présentée et débattue à la Chambre des députés.

Pour Laurent Mertz, accompagnant Katia Sabrina Litim à l’origine de la pétition, le sujet est d’autant plus important que sans cela, « le Luxembourg pourrait louper le train de la génération Z qui vient certes au Grand-Duché d’abord pour le salaire, mais n’y restera pas sans une qualité de vie à la hauteur ». Et cet argument du télétravail pourrait éviter ces recrues de ne pas choisir d’autres employeurs à l’étranger.

A l’heure où une majorité d’entreprises avouent des problèmes de recrutement, cette voie ne pourrait être que préjudiciable. D’autant qu’au-delà de ces jeunes générations, le manque de flexibilité se payent déjà par des départs de personnels ou des candidats qui refusent des postes. Ainsi, 40% des sociétés reconnaissent avoir vu filer des postulants à défaut d’offrir suffisamment de home-office dans le package social.

A chaque nationalité sa spécificité

L’attractivité du Grand-Duché serait donc perdante à terme. Ce alors que l’expérience des “années Covid” du télétravail a fait ses preuves notamment au niveau de la productivité des employés “délocalisés”.

Pour Katia Sabrina Litim, l’harmonisation généralisée à 2j/semaine de télétravail aurait aussi pour avantage de réduire certaines tensions qui commencent à naître entre collègues de pays différents.

Ainsi, nulle limite sur ce point n’est fixée aux employés luxembourgeois. Alors que, par exemple, la barrière fiscale borne le télétravail à 6h/semaine pour les Belges et les Français, contre 4h pour les Allemands. Pas simple alors d’organiser les missions au sein d’une même entreprise, d’une même équipe…

D’où la nécessaire négociation qui doit s’engager entre le Luxembourg et les gouvernements voisins, et à l’échelle de l’Union. Et le député Pirate Sven Clement d’encourager chaque frontalier de « faire du lobbying » dans leur pays d’origine. Façon d’inciter aussi les députés alentours à mettre leur droit du travail à niveau.

Car tout ne se jour pas au Grand-Duché, sur cette question. Et l’ancien ministre du Travail, Dan Kersch (LSAP) l’a bien rappelé : « Le Code du Travail luxembourgeois ne fait pas de différence entre salariés résidents ou frontaliers. Chacun doit bien avoir les mêmes droits ».

Pour Claude Haagen, ministre de la Sécurité Sociale, la question se pose effectivement à l’échelle de la Grande Région (Pays-Bas inclus) d’abord et de l’Union européenne. Et la réponse tiendrait dans des accords bilatéraux. « Nous avons demandé une augmenté de 25 à 41% la capacité de temps de travail effectué à domicile (ndlr : soit 2 jours hebdomadaires)».

Pour les salariés allemands, l’augmentation pourrait se faire dès juillet. Pour la Belgique, les échanges restent en cours (et « inofficiellement » le Royaume est prêt à rehausser le quota). Pour la France, en attente d’une réponse officielle… Un effort diplomatique « à redoubler » aux yeux des pétitionnaires.

Fiscalement, la ministre des Finances Yuriko Backes (DP) essaye elle aussi de convaincre ses homologues voisins d’accroitre la tolérance accordée au télétravail de leurs citoyens frontaliers. Une “faveur” déjà portée à 34 jours côté FR et BE, mais toujours à 19 jours en DE.

Mais chaque Etat, sur ce sujet, doit étudier la question en la projetant sur chacun des Etats voisins où sa population est sous contrat. De quoi sérieusement complexifier le dossier…

Et la nature dans tout ça?

Reste un autre argument qui pourrait faire office de “game changer” sur la question du télétravail au Luxembourg : la mobilité. Accorder plus de temps pour ce home-office revient à limiter les déplacements. Donc moins d’embouteillages, moins de pollution, moins de stress aussi… Autant de maux dont souffre aujourd’hui le pays et les salariés.

Les pétitionnaires ont fait leur calcul : appliquer 2 jours de télétravail hebdomadaires reviendrait à supprimer de la circulation 17 millions d’aller-retour domicile/travail par an. De quoi économiser 35 kilotonnes d’émissions carbone, ou l’équivalent de 20.000 vols Paris-New York en avion ! Voilà un autre argument à prendre en compte.

La pétition aura donc eu le mérite de montrer aux décideurs politiques que les citoyens voulaient ouvrir le débat sur ce télétravail. Maintenant, une sous-commission en charge de cette question formée à la Chambre, les partenaires sociaux sont prêts à se mobiliser et une étude de l’UE reste attendue pour avril prochain, patience.

 

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